Derrière ces 35 millions d’euros annulés, combien de repas en moins pour les étudiants et les étudiantes ?

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2020 est caractérisé par son insincérité patente, non pas comptable ou financière, mais bien politique.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Ce n’est pas mieux !

M. Philippe Dallier. C’est un peu différent : il s’agit seulement d’un désaccord ! (Sourires.)

M. Pascal Savoldelli. Vous avez déjà la majorité, monsieur Dallier, ne n’amputez pas mon temps de parole ! (Nouveaux sourires.)

Ce projet de loi de finances rectificative, quant à lui, souligne l’absence d’ambition du Gouvernement pour nos politiques publiques et pour le mieux-vivre de nos concitoyens.

Le Gouvernement se contente en effet de jouer assez habilement le comptable zélé, en récupérant les excédents de fin d’année, au lieu de les laisser à disposition pour développer ou rénover des infrastructures, pour créer de nouveaux services, bref, pour améliorer la vie de gens.

Le Gouvernement s’est largement félicité de ce collectif budgétaire, constatant en particulier un déficit réduit par rapport aux prévisions de début d’année et un nombre limité d’annulations de crédits.

Un amendement avait été adopté – mon groupe en avait déposé un presque identique – qui visait à reverser 35 millions d’euros au programme « Vie étudiante », des crédits maintenant annulés par ce projet de loi.

Monsieur le rapporteur général, j’ai pris connaissance de votre avis personnel, il est très intéressant, mais, lorsque vous siégez en commission mixte paritaire, vous devez donner l’avis du Sénat, et non le vôtre ! En commission mixte paritaire, donc, main dans la main, la majorité sénatoriale et la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ont justifié cette annulation.

Mme Frédérique Vidal a même déclaré : « on est sorti de l’époque où l’on faisait tourner les camions pour brûler l’essence et consommer l’ensemble de son budget ». Monsieur Dussopt, je vous charge de transmettre ce message à votre collègue : avec votre gouvernement, on est entré dans l’époque où l’on descend du camion pour le pousser, faute d’essence pour le faire avancer !

Derrière ces 35 millions d’euros, se cachent des hausses du prix des repas dans les restaurants universitaires, le durcissement des conditions d’attribution des bourses ou le report de rénovations de résidences étudiantes, dont un nombre important sont insalubres, je vous invite à aller les visiter, mes chers collègues ! Combien de repas en moins pour les étudiants ? Combien de nuits passées à grelotter dans une chambre étudiante ? Derrière cette somme se cachent tant de dures réalités, que le Gouvernement fait passer après une bonne gestion de façade ! C’est le comble du cynisme !

Pourquoi ne pas avoir restitué ces 35 millions d’euros à ceux qui ont fait les frais de ces économies et qui doivent prendre des jobs pour améliorer, même à la marge, leurs conditions de vie et d’études ?

Si les conditions de vie des étudiants intéressent peu le Gouvernement, l’écologie semble bien le préoccuper : à ce sujet, que de mots, que de com’, que de postures !

Pourtant, dans ce collectif budgétaire, plus de 500 millions d’euros ont été récupérés du compte d’affectation spécial « Transition énergétique », grâce au durcissement des critères d’attribution consécutif à la réforme du CITE. Conscient de l’impérieuse nécessité d’entamer une transition écologique et de son coût nécessaire, le Gouvernement se livre, en la matière, à un véritable tour de passe-passe en budgétant davantage, tout en sachant pertinemment que, grâce au durcissement des dispositifs, il dépensera moins.

Alors que les étudiants crient leur mal-être en raison de leurs conditions de vie, alors que les citoyens aspirent à respirer un air non vicié sur une planète vivable, le Gouvernement fait des pirouettes et vient vanter sa prétendue bonne gestion comptable. Il y en a marre !

Le Gouvernement s’est vanté d’avoir amélioré a posteriori le solde du budget l’État de 10 milliards d’euros. Nous pourrions nous en réjouir. Pourtant, cette amélioration a été rendue possible, en partie, par la surbudgétisation de nombre de missions, comme je viens de le démontrer. Somme toute, l’amélioration est limitée.

Loin de moi l’envie de casser l’enthousiasme du Gouvernement dans sa campagne d’autopromotion, mais, même avec 10 milliards d’euros supplémentaires, le compte n’y est pas : le solde du budget de l’État s’est dégradé de 21,6 milliards d’euros par rapport à 2018. À quoi donc correspond cette somme ? Au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi !

Ce qui plombe le budget de l’État, ce ne sont pas des investissements d’avenir synonymes d’une bonne santé économique et d’une société qui se projette dans le futur, non, c’est le maintien dogmatique d’un dispositif totalement inefficace, si ce n’est pour accroître un peu plus la rente d’une pincée de milliardaires qui parasitent notre économie.

Ne vous inquiétez pourtant pas, mes chers collègues, mes chers concitoyens : le Gouvernement a trouvé la parade comptable pour l’an prochain en transférant le coût de ce dispositif inefficace sur le budget de la sécurité sociale.

Pour subventionner la rente de quelques milliardaires, le Gouvernement va davantage creuser le budget de la sécurité sociale et viendra ensuite expliquer aux chômeurs qu’ils ne doivent plus abuser des droits qui leur permettent de vivre entre deux emplois, aux retraités qu’on vit plus longtemps et qu’ils devront donc travailler toujours plus ou vivre dans la pauvreté, il comparera avec le reste de l’Europe et nous devrons vivre comme en Allemagne, où sept millions de retraités sont obligés de travailler en raison de la faiblesse de leur pension.

Vous comprendrez donc que nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative dénué d’options comme d’ambition et marqué par le cynisme.

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