Les travailleurs de ce pays veulent pouvoir vivre dignement de leur travail

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, près de 15 % de la population française vit en dessous du seuil de pauvreté et ce chiffre est en augmentation. Un enfant sur cinq est victime de la pauvreté. La France, pourtant sixième puissance économique mondiale, est un pays, où les inégalités se creusent et où les pires injustices côtoient les fortunes les plus insolentes.

J’ai souhaité commencer ainsi mon propos, parce que le budget dont nous débattons aujourd’hui doit nécessairement s’apprécier au regard de ces chiffres qui sont autant de parcours de vie faits d’angoisses, de difficultés, de privations, de projets et d’ambitions refoulés, de peur de l’avenir…

C’est au regard de l’ampleur des urgences sociales et du chantier immense de l’égalité que nous pouvons faire la différence entre ce qui relève de l’aumône ou de la justice sociale, de la charité ou du respect de la dignité.

Manifestement, votre budget, au-delà des apparences, n’est pas à la hauteur de la situation et de ces exigences. Je prendrai trois exemples.

Vous vous félicitez d’abord de la revalorisation de la prime d’activité, alors que celle-ci n’est qu’un cache-misère social. Les « gilets jaunes », auxquels vous avez notamment répondu par cette prime, et plus globalement toutes les travailleuses et tous les travailleurs de ce pays ne demandent pas la charité, ils veulent simplement pouvoir vivre dignement de leur travail. Or des millions de travailleurs ne le peuvent pas du fait du niveau de leur salaire.

La vraie question est celle de l’augmentation du SMIC et des salaires. À l’inverse de ce qu’il faudrait faire, vous maintenez le SMIC à un niveau trop bas et vous soutenez les entreprises dans leur politique de régression salariale, en leur accordant des exonérations et allégements de cotisations sociales sur les bas salaires.
La prime d’activité, même revalorisée, est insuffisante pour augmenter significativement le pouvoir d’achat. Contrairement aux augmentations de salaire, elle ne concerne pas tout le monde, mais surtout, elle est financée par les salariés eux-mêmes ! C’est bien à ce tour de passe-passe que nous assistons, quand vous ne compensez pas le coût des exonérations de cotisations sociales pour la sécurité sociale.

Deuxième exemple : la revalorisation de l’AAH. Je souligne tout d’abord que la revalorisation à 900 euros par mois, montant qui reste en dessous du seuil de pauvreté, n’est pas une mesure exceptionnelle et qu’elle aurait dû être prise il y a déjà plusieurs années pour compenser l’augmentation du coût de la vie. Surtout, elle est en partie annulée par le durcissement des règles de calcul pour les personnes vivant en couple : 67 000 allocataires sont concernés. Nous tenons à réaffirmer notre opposition à la prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de l’AAH, comme nous l’avions signifié dans notre proposition de loi qui, malheureusement, n’a pas été adoptée.

L’AAH est un droit individuel censé garantir l’autonomie de la personne en situation de handicap, quelle que soit sa situation familiale. La règle actuelle est non seulement pénalisante financièrement, mais très discutable sur le plan moral et humain. Elle est aussi parfois vécue de façon infamante par des personnes placées ainsi en situation de dépendance économique vis-à-vis de leur conjoint.

Sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est mon troisième point, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » n’est pas au niveau.

La grande cause du quinquennat qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes, en particulier la lutte contre les violences faites aux femmes, ne se traduit toujours pas budgétairement. Pis, les crédits pour le programme 137 sont en baisse, contrairement à ce que vous laissez entendre dans vos déclarations publiques. Votre gouvernement est loin d’être à la hauteur de la mobilisation exceptionnelle de nos concitoyennes et concitoyens sur la question des violences faites aux femmes. Les associations sont extrêmement déçues à l’issue du Grenelle : beaucoup de bonnes intentions, certes, mais quels moyens humains et financiers pour les mettre en œuvre ?

C’est pourtant le cœur du sujet. Ce Grenelle ne doit pas être à l’image du mode opératoire de ce gouvernement : beaucoup de communication, mais très peu d’engagements et encore moins de résultats. Des résultats qui, ici, ne sont ni plus ni moins que des vies humaines à sauver, des femmes en danger auxquelles il faut porter assistance et qu’il faut protéger. Il est bon de se le rappeler en permanence.

Nos concitoyennes et concitoyens attendent beaucoup plus que des demi-mesures. Ils sauront le rappeler utilement dès le 5 décembre à l’occasion des grèves et manifestations contre la réforme des retraites.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE ne votera pas les crédits de cette mission.

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