La valeur créée par les robots ira-t-elle uniquement au capital, ou sera-t-elle aussi redistribuée vers le travail ?

La question de la robotisation, de l’intelligence artificielle et, plus largement, de la numérisation renvoie à celle de la société à venir.

Engendrant autant de craintes qu’elle ouvre de perspectives, la numérisation concerne aujourd’hui tous les champs d’activité : l’industrie, bien sûr, mais aussi les services, la santé, l’éducation, etc.

Sur le plan social, conduira-t-elle à une déshumanisation ou sera-t-elle au service de l’humain ? Quant à l’environnement, il faut savoir que le secteur du numérique représente aujourd’hui 10 % de l’énergie consommée dans le monde…

Qui construira demain nos robots ? Allons-nous subir, comme pour la 5G, et être dépendants des États-Unis, de la Chine ou d’autres acteurs ? Ou allons-nous être à l’initiative et construire nos propres robots ?

La robotisation, notamment dans l’industrie, permet une amélioration de la qualité du travail, mais aussi la maximisation des profits. La valeur créée par les robots ira-t-elle uniquement au capital ou sera-t-elle aussi redistribuée aux travailleurs ? Cette question, monsieur le ministre, traverse même le Gouvernement : j’ai entendu le Che Guevara de Bercy, M. Bruno Le Maire, appeler les entreprises à participer à l’effort ! (Sourires.) Cela peut notamment passer par une augmentation du SMIC.

Enfin, si la quantité de travail humain se réduit, il faudra la partager et aller vers la semaine de 32 heures…

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Gay, c’est presque un programme économique complet que vous avez présenté ! Il me sera difficile de vous répondre sur tous les points, mais vous posez des questions assez justes.

M. Fabien Gay. Comme toujours !

M. Marc Fesneau, ministre. J’essaie d’être objectif !

Votre interrogation tout à fait légitime sur le partage de la valeur ajoutée créée grâce au recours aux robots porte en fait sur l’impact de la robotisation sur le monde du travail et sur les salariés.

Comme j’ai déjà pu le souligner, la France accuse, par rapport à ses voisins, un retard dans ce secteur, en termes à la fois de présence des robots dans les entreprises et de production de robots.

Au sein de l’industrie, le déploiement des robots et la maîtrise de ces technologies constituent donc un objectif majeur au regard de la compétitivité de nos entreprises, tout comme un enjeu de souveraineté.

Par ailleurs, je le redis, l’activité dans certains secteurs, en particulier ceux des services à la personne et du tourisme, reste avant tout fondée sur les relations humaines : la robotisation ne peut alors intervenir qu’en complément, pour soulager les personnels.

Concernant la production de robots, le marché mondial est en très forte croissance. Il est dominé par le Japon, la Corée du Sud, l’Allemagne, la Chine et les États-Unis. En France, seules deux entreprises rivalisent avec les plus grands fabricants mondiaux.

Nous devons accompagner au mieux la révolution technologique à l’œuvre, en remettant l’humain là où sa présence est nécessaire, et permettre aux Français de se former tout au long de leur vie professionnelle : c’est tout le sens de l’action que doit mener le Gouvernement, notamment dans le cadre européen.

Il est légitime de soulever la question du partage de la valeur ajoutée créée par l’amélioration de la productivité grâce au recours aux robots, mais il faut y répondre en ayant à l’esprit le souci de rester compétitifs. (M. Fabien Gay ironise.)

La meilleure façon de partager la valeur ajoutée, c’est de créer des emplois sur notre territoire. Plutôt que de répartir la pénurie de travail, comme vous le proposez, nous entendons permettre au plus grand nombre de Français possible de travailler en multipliant les opportunités. C’est ainsi que l’on partagera le mieux la valeur ajoutée !

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.

M. Fabien Gay. Ce débat sur le partage de la valeur ajoutée va monter en puissance, monsieur le ministre. Il est d’actualité, il est déjà brûlant, comme en témoigne la mobilisation contre la réforme des retraites. La question est de savoir dans quelle société nous voulons vivre. Même le Medef et Bruno Le Maire sont obligés de bouger sur ce sujet ! En trente ans, dix points de PIB ont été transférés du travail au capital. L’an dernier, ce sont 51 milliards d’euros de dividendes qui ont été versés aux actionnaires des seules entreprises du CAC 40, tandis que le Gouvernement augmentait le SMIC de 50 centimes par jour…

Il y a urgence à traiter cette question, monsieur le ministre !

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