La Constitution, dans le deuxième alinéa de son article 45, permet aux chambres de s’opposer à la mise en œuvre de la procédure accélérée

Lettre à Gérard Larcher, président du Sénat.
Paris, le 14 janvier 2020.

Monsieur le Président,

Notre pays est plongé dans une grave crise sociale suite à l’annonce par E. Macron et son gouvernement d’un projet de modification fondamentale de notre système de retraite.

Vous avez fait le constat vous-même lors de votre conférence de presse du 9 janvier dernier des difficultés du pouvoir exécutif à imposer cette réforme.

Vous avez demandé, officiellement, le report de l’examen par le Parlement de ces deux projets, ordinaire et organique.

Il apparaît en effet inacceptable qu’après avoir saisi dans l’urgence, pour ne pas dire en catimini, le Conseil d’Etat sur ces textes, le gouvernement ait annoncé l’engagement de la procédure accélérée sur ces projets, entraînant un examen par l’Assemblée nationale dès le 3 février prochain en commission spéciale, et le 17 février en séance publique.

D’autres aspects, comme de multiples recours aux ordonnances, portent atteinte, selon nous, aux prérogatives du Parlement.

Une telle précipitation sur un sujet aussi important et sensible, qui suscite l’intérêt et l’inquiétude de nos concitoyennes et concitoyens quant à un texte qui engage leur avenir et celui de leurs enfants, devrait être contestée.

La Constitution, dans le deuxième alinéa de son article 45, permet aux chambres de s’opposer à la mise en œuvre de la procédure accélérée. Elles doivent le décider conjointement.

Je considère avec mon groupe que le Sénat s’honorerait, conformément à vos propos évoqués ci-dessus, de rappeler la place du parlement dans une démocratie digne de ce nom.

Avec cette disposition constitutionnelle, notre assemblée peut être à l’initiative d’un rappel aux principes fondamentaux qui régissent notre République, au premier rang desquels figure le principe de séparation des pouvoirs.

Afin de légiférer dans la dignité, efficacement, le temps de la réflexion et du débat doit être pris.

Je vous propose donc de réunir dès que l’adoption par le Conseil des ministres des projets de loi relatifs aux retraites sera effective et la procédure accélérée officiellement engagée, de réunir la conférence des présidents de notre assemblée pour décider, dans le rassemblement le plus large, de s’opposer à cette accélération législative.
Certaine de l’intérêt que vous porterez à cette proposition, je vous prie, Monsieur le Président, de bien vouloir agréer l’expression de ma considération distinguée.

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