Au-delà de la pénurie de médicaments, c’est l’indépendance de la France qui est en jeu

Au-delà de la pénurie de médicaments, c'est l'indépendance de la France qui est en jeu - Coronavirus

L’arrêt de la production de médicaments en Asie, particulièrement en Chine, n’entraîne pas encore de ruptures de stocks, mais, selon les spécialistes du secteur, si les autorités maintiennent les interdictions d’aller travailler pendant six mois, des difficultés d’approvisionnement en médicaments pourraient se faire jour. En cas de pic, le risque de pénurie concerne également les appareils respiratoires, nécessaires aux patients les plus fragiles.

La direction générale de la santé a confié à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé le soin de piloter la gestion de la situation. Si, pour l’heure, l’ANSM n’a pas constaté de tensions particulières, n’est-il pas temps, avant qu’il ne soit trop tard, d’activer la production des médicaments jugés indispensables par les professionnels de santé par la pharmacie centrale des armées ou l’agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, afin de garantir la continuité des médicaments pour les patientes et patients ?

Alors que la question de la production des médicaments se pose au-delà du coronavirus, que pensez-vous, monsieur le ministre, de la solution que nous proposons ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Laurence Cohen, je vous remercie de votre question, qui porte sur l’accessibilité des médicaments et la crainte de pénuries.

Cet après-midi, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, j’ai déjà répondu au Sénat en ce qui concerne l’accès au médicament. Je vous confirme que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui vérifie au jour le jour que l’accès aux médicaments est garanti sur tout le territoire national, ne nous a pas alertés à ce stade. Je surveille de très près la situation en matière d’antibiotiques injectables, des médicaments particulièrement précieux en cas de pénurie.

J’ai reçu des représentants du secteur pharmaceutique pour savoir s’ils avaient connaissance de signaux faibles ou forts établissant un risque de pénurie. À ce stade, madame la sénatrice, la réponse est négative.

Faut-il recréer une chaîne de production en France ? Clairement, oui.

Mme Sonia de la Provôté. C’est certain !

M. Loïc Hervé. Évidemment !

M. Olivier Véran, ministre. Nous ne pouvons pas rester totalement dépendants en matière d’accès aux médicaments : nous avons besoin d’autonomie, a minima européenne. Au demeurant, il serait illusoire de vouloir avoir toutes les chaînes de fabrication en France, sans compter que cela supposerait d’implanter sur le territoire national un grand nombre de sites Seveso – nous parlons d’une industrie chimique lourde.

Une stratégie européenne est nécessaire pour réindustrialiser le pays, notamment à travers la filière de la fabrication des médicaments, mais cela prendra du temps : il faut deux ou trois ans, au moins, pour ouvrir une chaîne de fabrication de médicaments. Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher et moi-même, avec l’ensemble de nos collègues concernés, sommes déterminés à agir. Étant entendu que notre dépendance à l’égard des pays d’Asie est totale aussi en ce qui concerne les matières premières. Nous avons démarré cette réflexion tambour battant, et, vous avez raison, la crise du coronavirus nous oblige à aller encore plus vite.

Bref, madame Cohen, il n’y a pas de pénurie à ce stade, et nous surveillons la situation de très près.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Quid des appareils respiratoires ?

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Lorsque nous avancions cette proposition devant les ministres Touraine et Buzyn, nous recevions en général une fin de non-recevoir... J’apprécie donc votre réponse, monsieur le ministre, qui marque une petite ouverture. Au-delà de la pénurie de médicaments, c’est l’indépendance de la France qui est en jeu. Agir via l’Ageps serait un premier pas vers la création, que nous appelons de nos vœux, d’un pôle public du médicament et de la recherche aux échelons français et européen. Votre réponse, monsieur le ministre, ouvre une porte : discutons-en !

Retour en haut