Fichage de la population ?!

Mme Laurence Cohen attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur le risque de fichage de la population suite à la mise en place de l’application numérique de prise de note de la gendarmerie nationale, « GendNotes ».

Le décret n° 2020-151 publié le 22 février 2020, autorise le « traitement de données à caractère personnel » pour « faciliter le recueil et la conservation » ainsi que « la transmission […] d’informations collectées par les militaires de la gendarmerie nationale à l’occasion d’actions de prévention, d’investigations nécessaires à l’exercice des missions de police judiciaires et administratives ». L’article 2 prévoit l’enregistrement d’informations sensibles, relatives « à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle ». De plus, GendNotes facilite la collecte et transmission de photographies, amenant à la reconnaissance faciale. Selon l’article 4, auront accès à ces informations le gendarme rédigeant la note, les gendarmes de son unité ou d’une autre unité, les autorités judiciaires, le préfet, le sous-préfet, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française et le maire de la commune concernée.

La commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a demandé une réécriture du décret et une limitation de sa portée. Elle a rappelé que « le traitement de telles données n’est possible qu’en cas de nécessité absolue, sous réserve des garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée ». Mais cette « absolue nécessité » n’est, en pratique, jamais vérifiée. La CNIL demande un « contrôle strict » de ces données et la garantie qu’« aucun dispositif de reconnaissance faciale » ne soit mis en œuvre. Elle s’alarme de la transmission de ces données à d’autres pays et « regrette fortement que le ministère n’ait pas prévu des mesures de chiffrements des terminaux ainsi que des supports de stockage ; ce type de mesure de sécurité [apparaissant] comme le seul moyen fiable de garantir la confidentialité des données stockées ».

Une pénaliste alerte sur le fait que « les gendarmes sont totalement maîtres de la décision et de l’interprétation des critères de nécessité ». Elle recommande « un cadre plus précis [qui] éviterait les collectes de précaution, au cas où cela pourrait servir, une tentation qu’on retrouve dans toutes les institutions ».

Alors que la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés interdit la collecte de telles données, ce projet imposé par décret suscite de vives inquiétudes.

Ainsi, elle lui demande quelles garanties il compte mettre en place afin de s’assurer que GendNotes ne soit pas utilisé à des fins de surveillance politique et ne débouche pas sur des discriminations politiques, syndicales, sexuelles ou racistes.

Retour en haut