Monsieur le Premier ministre, vous avez largement entamé votre capital confiance auprès de l’opinion publique

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous nous présentez, monsieur le Premier ministre, votre stratégie nationale de déconfinement, après l’avoir fait à l’Assemblée nationale devant nos collègues députés le 28 avril dernier.

Mais, aujourd’hui encore, il ne s’agit pas d’enrichir votre plan : vous nous demandez de le voter tel quel, comme vous l’avez élaboré. Et même si vous avez organisé, entre-temps, des visioconférences avec les associations d’élus et les partenaires sociaux, vous nous demandez en réalité un vote de confiance.

Ce n’est pas notre conception de la démocratie ! La confiance ne se décrète pas, elle se mérite. Or, monsieur le Premier ministre, vous avez largement entamé votre capital confiance auprès de l’opinion publique.

Depuis le début de cette crise, les Françaises et les Français sont assaillis d’injonctions contradictoires sur le port du masque ou encore sur la nécessité de pratiquer ou non des tests. Et l’impression dominante est que vous adaptez votre stratégie non pas à la sécurité sanitaire de chacune et de chacun, mais aux pénuries de matériel de protection !

Il en est de même pour la reprise de l’école, qui paraît plus dictée par la nécessité de reprise économique que par la volonté de faire reculer les inégalités scolaires. Pourquoi, sinon, maintenir les cartes scolaires qui programment des fermetures de classes, un peu partout sur le territoire, dès la rentrée de septembre ?

Bien sûr, il existe de nombreuses inconnues concernant le Covid-19 qui ne peuvent vous être reprochées. Chaque jour, nous apprenons de cette épidémie et les chercheuses et chercheurs du monde entier sont sur la brèche. Un traitement sera trouvé, à n’en pas douter, puis un vaccin pour protéger les populations. Ce qui devrait vous faire réfléchir, d’ailleurs, à l’importance vitale du financement de la recherche publique, qui manque cruellement de moyens financiers et humains.

Mais, en attendant, il faut faire face et vous avez de lourdes responsabilités dans la gestion de la pandémie, monsieur le Premier ministre.

Comme vous l’avez justement souligné, la stratégie de déconfinement passe par le triptyque « protéger, tester et isoler ». Et protéger nécessite notamment le port du masque. Sans revenir sur la gestion des stocks de masques par votre gouvernement et ceux qui vous ont précédé, comment ne pas dénoncer le fait que notre pays soit passé de 1 milliard de masques chirurgicaux et 700 millions de masques FFP2 en 2009 à 145 millions de masques chirurgicaux en 2020 ?

L’État n’étant pas en mesure de fournir le nombre de masques nécessaires, ce sont les collectivités qui ont pris le relais. Et aujourd’hui, celles qui ont été les plus réactives sont pénalisées, car elles ne bénéficieront même pas de la prise en charge de 50 % de leur coût par l’État si l’on suit à la lettre vos propos !

Nous demandons a minima que toutes les commandes des collectivités soient prises en charge à égalité, indépendamment de la date de commande.

Par ses défaillances, le Gouvernement a mis les collectivités en concurrence. C’est insupportable ! Et, comme l’ensemble des membres de mon groupe, je suis scandalisée de voir que la grande distribution réussit ce que la puissance publique ne parvient pas à faire. Ainsi, dans ma ville de Gentilly, comme dans beaucoup d’autres sur l’ensemble du territoire, des pharmacies n’étaient toujours pas en mesure, samedi, d’avoir des masques pour les populations !

Il n’y a aucune raison que les acteurs privés fassent des profits sur la santé et la sécurité de nos concitoyens et concitoyennes, des personnels médicaux, paramédicaux et ceux du secteur médicosocial ! Pour nous, les masques doivent être pris en charge comme un matériel médical et remboursé à 100 % par la sécurité sociale au même titre que le sont les tests.

Quand le port du masque est obligatoire dans les transports en commun, ce que nous soutenons totalement, il est de la responsabilité de l’État de garantir le droit au masque gratuit pour toute la population. Et si les masques sont en nombre insuffisant, je ne vois pas comment on peut verbaliser celles et ceux qui n’en portent pas !

Et il y a le même flou concernant la reprise de l’école. Le retour des enfants sur le chemin des écoles est un impératif pédagogique et de justice sociale, mais si les conditions de sécurité ne sont pas réunies, je partage totalement le refus de l’Association des maires d’Île-de-France de rouvrir le 11 mai prochain les écoles.

Quant aux parents d’élèves, ont-ils réellement le choix avec la menace qui pèse sur le chômage partiel le 1er juin ?

Mais nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, tout comme sur la protection juridique des maires.

Parler de déconfinement, monsieur le Premier ministre, c’est aussi parler offre de soins, donc capacité d’accueil des patients, nombre de lits et embauches de personnels soignants et non soignants.

Vous ne cessez de répéter que l’hôpital a tenu, mais, comme nous l’ont rappelé les docteurs Christophe Prudhomme et Gérald Kierzek, deux éminents urgentistes auditionnés par la commission des affaires sociales, en réalité, il n’a pas tenu ! Il a fallu le confinement général et l’arrêt des activités médicales hors Covid-19 pour passer le pic !

Et pour cause, puisque cette situation de notre système de santé est le fruit de choix politiques assumés : 4,2 milliards d’euros de moins pour le budget 2020 de la sécurité sociale, dont 1 milliard pour l’hôpital public. Le tout dans un climat de réduction de personnels et de fermetures de lits : en vingt ans, 100 000 lits ont été fermés, dont 17 500 depuis six ans.

Il ne suffit pas de féliciter, dans les discours du Gouvernement, les héros et héroïnes en blouse blanche ; il faut leur donner les moyens humains et financiers d’exercer leur métier. À quand une augmentation de leurs salaires, une revalorisation de leurs métiers, la fin de la précarisation à l’hôpital et dans les Ehpad ?

Avec votre gestion calamiteuse du nombre de masques, comment vous faire confiance pour repérer, tester et isoler en dix jours ?

Cette crise est terrible : elle est sanitaire, économique, sociale et l’on commence à en ressentir les déflagrations, avec une progression de la pauvreté. Les associations caritatives, les collectivités nous alertent sur l’explosion de l’aide alimentaire.

C’est maintenant qu’il faut penser au jour d’après. Il faut plus de justice sociale, revoir totalement la fiscalité pour que chacun contribue à l’effort de solidarité nationale et arrêter d’assécher les caisses de notre système de protection sociale en exonérant de cotisations patronales à tour de bras !

Les aides de l’État doivent être conditionnées à des critères sociaux et environnementaux. Vous ne pouvez continuer à donner des chèques en blanc aux grands groupes, à ceux qui polluent notre planète !

Il faut reprendre la proposition que notre groupe avait faite avec nos collègues députés communistes : refuser les aides et les prêts aux sociétés qui ont des actifs dans les paradis fiscaux, taxer les dividendes et rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune.

Il faut arrêter de détruire le code du travail, de réduire toujours plus les pouvoirs des salariés, en refusant notamment au patronat de déroger à la durée du travail, aux congés payés ou encore au repos dominical !

Il est temps, monsieur le Premier ministre, de déconfiner la démocratie alors que vous transformez le Parlement en chambre d’enregistrement qui doit vous laisser les pleins pouvoirs pour deux mois supplémentaires. (MM. François Patriat et Xavier Iacovelli protestent.)

Les parlementaires, pas plus que les élus locaux, ne sauraient être tenus responsables d’une politique décidée sans eux.

Crise ou pas, la démocratie exige d’élaborer des solutions avec les élus de la Nation, les syndicats et les forces vives du pays. Ce n’est, hélas, pas le cas et votre plan en est un nouvel exemple.

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