Nos compatriotes établis à l’étranger ont des problèmes spécifiques auxquels cette proposition ne répond pas

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le nombre de nos compatriotes établis à l’étranger est aujourd’hui estimé à près de 3 millions. Je parle bien d’estimation, car nous touchons ici une première difficulté, celle de l’inscription sur le registre des Français établis hors de France. La crise mondiale du Covid-19 a montré, une nouvelle fois, l’importance de cette inscription facultative pour le suivi et l’accompagnement de nos compatriotes par des services consulaires qui n’ont pas ménagé leurs efforts ces derniers mois.

Nos compatriotes établis à l’étranger ont d’autres problèmes spécifiques.

De nombreux expatriés, toujours attachés à la France, ont besoin que l’État français reste présent, notamment dans le cadre démocratique. Je rejoins ici le constat d’une démocratie française à l’étranger en grande difficulté, avec des taux d’abstention record.

S’il faut saluer l’opération impressionnante de rapatriement des Français présents à l’étranger, menée par le ministère et les services consulaires depuis le début de la crise du Covid-19, cette action ne doit pas cacher les profondes difficultés que connaissent les services.

L’année dernière, plus de 150 demandes de missions de renfort n’ont pu être satisfaites, alors même que le ministère s’appuie de plus en plus sur des recrutés locaux et des contractuels. Il est donc urgent de revenir sur les objectifs fixés par le comité Action publique 2022, qui prévoyait la suppression de nombreux postes.

L’annonce d’un nouveau calcul pour limiter les dégâts est un premier pas, qui doit en entraîner d’autres. En attendant, 187 postes devraient être supprimés en 2020, dont 81 relèvent de l’action extérieure de l’État.

J’aborderai ensuite le sujet de l’éducation. Emmanuel Macron avait commencé son mandat en annonçant un objectif ambitieux : doubler le nombre d’élèves français et étrangers accueillis dans les établissements du réseau de l’AEFE. Atteindre cet objectif implique une mobilisation totale de l’État. Or la situation actuelle va à l’encontre de cette dynamique annoncée.

D’une part, l’objectif poursuivi est de s’appuyer toujours davantage sur les établissements conventionnés et partenaires, ce qui explique en partie le poids toujours plus important des familles dans le financement de l’AEFE. Par comparaison, les familles doivent débourser 1,5 milliard d’euros par an, tandis que la subvention d’État est presque trois fois plus faible.

D’autre part, le nombre de postes diminue sans cesse, passant de 6 235 en 2014 à 5 676 aujourd’hui, soit une baisse d’environ 500 équivalents temps plein, ainsi que l’indiquait le directeur de l’AEFE devant la commission des affaires étrangères du Sénat.

Monsieur le secrétaire d’État, le plan d’aide que vous avez annoncé le 30 avril était nécessaire pour permettre aux établissements de survivre. Toutefois, sera-t-il suffisant ? J’en doute fortement, dans la mesure où les deux tiers du plan prévoient non pas un investissement, mais une avance du Trésor. Et puisqu’il s’agit d’une avance, cette somme sera remboursable. Dans quels délais ? Les règles ne sont pas encore précisées, à ma connaissance ; nous aimerions les connaître.

Les 50 millions d’euros consacrés aux bourses, s’ils sont plus que nécessaires, s’avèrent d’ores et déjà insuffisants dans un contexte de pertes de revenus des parents. J’en veux pour preuve que les droits de scolarité représentent pour de nombreux foyers une somme considérable. Ce sont 1 500 demandes de recours gracieux qui ont d’ores et déjà été déposées pour le troisième trimestre, selon les chiffres du directeur de l’Agence. Pourquoi ne pas envisager un gel de ces droits ?

Le départ de familles du réseau AEFE serait une épine dans le pied du plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, mais aussi une perte financière importante pour l’Agence. Nous espérons que le prochain projet de loi de finances rectificative donnera une autre direction aux relations financières entre l’État et l’AEFE, en prévoyant notamment une hausse significative du budget.

J’en viens à la question fiscale et sociale, dont nous débattrons plus longuement lors de l’examen du texte.

La réforme des impôts, qui prévoit la réduction du nombre de tranches pour les revenus nationaux, fait peser une charge extrêmement importante, et souvent inassumable, sur nos concitoyens les moins favorisés qui vivent à l’étranger. Tout le monde n’a pas les moyens de payer une scolarité annuelle coûtant de 5 000 à 10 000 euros dans un lycée français...

En parallèle, ne devrions-nous pas repenser la relation entre les Français de l’étranger, la Caisse des Français de l’étranger, la CFE, et la caisse primaire d’assurance maladie, afin de nous assurer que la France protège l’ensemble de ses concitoyens ? Pouvons-nous envisager, à terme, un élargissement de l’accès à la CFE ?

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous le voyez, ces questions sont très importantes. Nous sommes en désaccord avec le volet fiscal de la proposition de loi, qui ne répond ni à nos attentes ni à celles de nombreux Français. Mon groupe votera donc contre ce texte.

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