Un équilibre entre les droits liés à la parentalité et l’intérêt supérieur de l’enfant

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite commencer mon intervention en remerciant les travailleurs de l’aide sociale à l’enfance. Comme nos médecins, infirmiers et tant d’autres professionnels, ils se sont mobilisés pendant la crise sanitaire que traverse notre pays. (Applaudissements.) Ils font face à la pandémie avec courage et solidarité, et nous leur devons beaucoup.

Mes chers collègues, le sujet qui nous rassemble aujourd’hui nous interpelle avec gravité. En France, deux enfants meurent chaque semaine. Un viol sur mineur a lieu toutes les heures. Environ 73 000 enfants sont victimes de violences chaque année. Il est à craindre que toutes ces atteintes faites aux jeunes en difficulté n’aient été exacerbées par le confinement.

Alors que la protection de l’enfance devrait être un pilier fondamental de l’égalité des chances, afin que chaque mineur de ce pays puisse s’épanouir et se construire en citoyen modèle, notre système reste largement perfectible.

Pour cette raison, le texte proposé par Josiane Costes, que je salue, et les membres du groupe RDSE est bienvenu. Pointant du doigt les dysfonctionnements de l’aide sociale à l’enfance, le manque d’investissement de l’État et les lenteurs procédurales contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant, Mme Costes nous présente une proposition de loi intéressante, apportant certaines réponses aux problèmes majeurs soulevés par le Conseil national de la protection de l’enfance.

Jusqu’à présent, le législateur s’est donné pour mission de préserver un équilibre entre le maintien des droits liés à la parentalité et l’intérêt supérieur de l’enfant. En ont découlé deux échecs majeurs : tout d’abord, l’obstacle à l’adoption, qui interdit actuellement à des personnes le souhaitant d’accueillir aisément un enfant dans leur foyer ; ensuite, des procédures de délaissement longues et fastidieuses, qui plongent certains mineurs dans des situations de précarité, avec des parents souvent violents ou incapables de les élever.

Trop longtemps, le législateur est parti du postulat selon lequel les liens du sang devaient primer et l’enfant demeurer le plus longtemps possible dans sa famille biologique.

Cette tradition devrait impérativement prendre fin. Oui, certains parents ne sont pas aptes à élever leurs enfants. Oui, ces enfants doivent être mis à l’abri, protégés et confiés à des familles adoptives susceptibles de réunir les conditions essentielles à leur épanouissement.

Ainsi, les auteurs de ce texte ont souhaité rendre le recours à l’adoption simple plus facile. La filiation par adoption simple n’effaçant pas la filiation biologique, les tuteurs adoptifs prendront le relais des parents de sang pour l’éducation des enfants délaissés.

Le dernier pan intéressant de ce texte est le traitement des mineurs étrangers. Alors que le Gouvernement continue à fermer les yeux sur l’enfermement de ceux-ci en centre de rétention administrative, au détriment des préconisations de la Cour européenne des droits de l’homme, cette proposition de loi nous rappelle un élément fondamental : avant d’être des étrangers, ces mineurs sont des enfants, qu’il faut éduquer, intégrer et, surtout, protéger. En permettant à ces derniers d’accéder plus aisément à un titre de séjour et en simplifiant les règles d’adoption pour les enfants nés à l’étranger, on ferait des pas pour la normalisation de leur situation. Si ces mesures étaient adoptées, nous changerions de paradigme : l’enfant primerait sur le migrant. De tels éléments rendraient plus humaines nos politiques d’accueil des mineurs étrangers et nous saluerions positivement ces évolutions.

Cependant, certaines dispositions proposées dans ce texte semblent éloignées des réalités de terrain, voire contre-productives. C’est notamment le cas des conditions de reprise des enfants placés, qui font l’objet de l’article 4.

Pour cette raison, le groupe CRCE s’abstiendra sur cette proposition de loi. Nous sommes cependant favorables à ce que des travaux soient menés sur un tel sujet. C’était d’ailleurs le sens de notre proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, rejetée par notre assemblée le 20 novembre 2019.

Mes chers collègues, nos enfants sont l’avenir de notre pays. Actuellement, 300 000 mineurs sont pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance. Eux aussi ont le droit à un avenir meilleur, à une citoyenneté épanouissante, à une sûreté économique et à un accès sécurisé à l’éducation et à la vie active. Si nous menons ce combat de front, leur futur n’en sera que plus stable et enviable.

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