Le groupe CRCE votera cette proposition de loi qui fait consensus

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1983, Robert Badinter, alors garde des sceaux, disait que « la victime se trouve dans la pire des solitudes, celle qui s’accompagne d’un sentiment de rejet ».

En effet, dans ses fondements, notre droit pénal se donnait simplement pour mission de poursuivre le responsable d’un crime ou d’un délit et de le traduire en justice. La victime, elle, était délaissée, esseulée, sans accompagnement ni réparation.

Fort heureusement, depuis plusieurs décennies, notre législation a évolué dans le sens d’une plus grande considération envers la personne touchée par un acte délictuel ou criminel. Protéger la victime et lui accorder une indemnisation sont aujourd’hui des objectifs recherchés par notre droit.

Pourtant, la rédaction de notre code de procédure pénale est loin d’être parfaite. Ainsi le collectif France Victimes et de nombreux avocats pénalistes ont-ils attiré l’attention du législateur sur certaines dispositions venant malencontreusement restreindre le droit des victimes à être indemnisées. La rédaction actuelle de l’article 706-5 du code de procédure pénale est, à cet égard, source d’un contentieux défavorable aux personnes ayant subi un délit ou un crime. Elle est par ailleurs contraire à l’esprit de la loi du 15 juin 2000, qui est venue renforcer les droits des victimes.

Dans les faits, cet article prévoit que celles-ci doivent saisir la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions, la CIVI, afin de bénéficier du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, le FGTI.

La présente proposition de loi a pour objet de préciser le point de départ du délai d’un an dont disposent les victimes pour demander une indemnité auprès de la CIVI. En effet, un désaccord existe en la matière entre le législateur et le juge. Et pour cause, les travaux préparatoires de la loi du 15 juin 2000 indiquaient clairement que le délai d’un an devait courir à partir de l’avis donné par la juridiction ayant statué définitivement sur l’attribution de dommages et intérêts. Pourtant, la rédaction juridique qui a finalement été adoptée à l’article 706-5 du code de procédure pénale n’a pas bénéficié de la même clarté. Ainsi en a-t-il découlé une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle le délai d’un an courait à compter de la date de l’avis donné par la première juridiction qui a alloué une indemnisation, même si sa décision n’est pas définitive.

Cette interprétation ne peut être reprochée au juge, qui ne fait qu’appliquer la loi de manière littérale. Il est, en revanche, du devoir du législateur d’améliorer le droit, qui désavantage actuellement les victimes, puisque celles auxquelles ont été alloués des dommages et intérêts ne peuvent attendre la fin de la procédure judiciaire les concernant pour saisir la CIVI.

Il est donc proposé ici de revenir à l’esprit de la loi du 15 juin 2000, en permettant que le délai d’un an commence à courir après que la dernière instance s’est prononcée. Les droits des victimes n’en seront que renforcés.

Nous ne pouvons que saluer et soutenir cette proposition de loi. Nous ne doutons pas que, comme à l’Assemblée nationale, celle-ci fera consensus.

Je veux profiter de cette tribune pour mentionner un sujet annexe à celui que nous traitons aujourd’hui, celui du fonctionnement du FGTI. Sénatrice d’une circonscription marquée par plusieurs actes terroristes ces dernières années, je suis particulièrement sensible au sort réservé aux victimes de ces funestes événements. Entre 2014 et 2015, plus de 2 600 personnes ont été touchées directement ou indirectement par les attentats. La dette de l’État à leur égard est immense. Pour ces personnes, les procédures auprès du FGTI afin d’obtenir des dommages et intérêts sont une nouvelle épreuve, un nouveau combat.

Comment expliquer, par exemple, que, plus de quatre ans après l’attentat du 13 novembre 2015, certaines victimes soient toujours en attente du rapport d’expertise prouvant la régularité de leur demande d’indemnisation ? Un tel traitement est inacceptable et ne saurait perdurer.

Il va sans dire que la suppression, en 2017, du secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes n’est pas de nature à améliorer la situation… Cet exemple nous démontre tout le chemin qui reste à parcourir afin que notre droit offre aux victimes la protection et la considération qu’elles méritent.

La proposition de loi que nous adopterons aujourd’hui est une première pierre à cet édifice, mais elle ne saurait être suffisante.

Nous voterons pour ce texte.

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