Nous déplorons l’absence de volet préventif

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi visant à réprimer les violences conjugales a fait l’objet d’une commission mixte paritaire conclusive. Les mesures votées devraient bientôt intégrer le droit positif et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Nous notons tout d’abord que les articles concernant l’ordonnance de protection ont été supprimés, dans la mesure où un décret du 3 juillet 2020 est venu renforcer la capacité de l’obtenir.

Cependant, les travaux de la commission mixte paritaire n’ont pas été de nature à améliorer le texte tel qu’il était sorti du Sénat.

Le champ d’application de l’article 7 ter a notamment été restreint. Son dispositif initial ouvrait le droit à la victime ayant porté plainte pour violences conjugales de bénéficier d’un préavis réduit à un mois, afin de pouvoir quitter le logement qu’elle occupait avec son conjoint violent. La commission mixte paritaire a malheureusement ajouté la nécessité qu’une ordonnance de protection soit obtenue par la victime afin qu’elle puisse disposer de ce mécanisme, avec l’argument que sans ce garde-fou n’importe qui pourrait porter plainte afin de quitter son logement dans les plus brefs délais. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette mesure en demi-teinte, qui jette un voile de suspicion sur les victimes présumées.

Nous déplorons par ailleurs que, lors de son passage dans notre chambre, tant le Gouvernement que la droite sénatoriale aient refusé de doter cette proposition de loi d’un volet préventif. Tous nos amendements ont en effet été balayés sans véritables arguments de fond ni volonté de débattre des thématiques que nous soulevions.

Ainsi continuerons-nous à défendre la nécessité de sensibiliser les policiers, médecins et magistrats aux violences faites aux femmes. De même, nous estimons toujours essentiel qu’un accompagnement social et psychologique soit apporté aux conjoints violents afin de soigner ceux qui peuvent l’être.

Prévenir et soigner, telle devrait être la mission du droit en matière de violences intrafamiliales. Réprimer les actes délictueux et criminels commis au sein des couples est nécessaire, mais ne saurait suffire.

Enfin, nous souhaitons une fois de plus attirer l’attention de l’exécutif sur le manque de moyens attribués aux actions gouvernementales en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et pour l’aide aux victimes de brutalités sexuelles et sexistes. Dans son troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, le Gouvernement a souhaité augmenter le budget en la matière de 4 millions d’euros ; nous sommes toujours bien loin du milliard demandé par le Haut Conseil à l’égalité !

Malgré des lacunes, la plupart des dispositions prévues dans ce texte vont dans le bon sens. Comme nous avions eu l’occasion de le dire en première lecture, nous saluons par exemple les mesures prévues aux articles 3 et 11 A, susceptibles d’accroître la sécurité des mineurs. Il en va de même pour les dispositifs garantissant le respect de la vie privée numérique des victimes prévus aux articles 10 et 10 bis. Ces éléments introduisent dans le XXIe siècle la lutte contre les violences faites aux femmes, ces dernières étant désormais régulièrement victimes de cyberharcèlement et de maltraitance numérique.

Bien que nous n’ayons pas été entendus sur certains sujets, nous ne nions pas le bénéfice que représenterait l’adoption de cette proposition de loi pour les victimes de violences physiques et morales dans un cadre conjugal.

En conséquence, le groupe CRCE votera ce texte. Gardons à l’esprit tout le travail qu’il nous reste à accomplir afin que les coups, les menaces et tous ces actes néfastes qui se concluent bien trop souvent par des féminicides ne soient plus si fréquents.

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