Ce budget n’est pas à la hauteur de la crise que nous affrontons et de ce qu’elle a révélé

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après cinq jours d’examen de ce PLFSS pour 2021, c’est la déception et la colère qui dominent au groupe CRCE. L’absence, jusqu’au bout, du ministre de la santé n’est pas pour nous apaiser !

Déception et colère, car ce PLFSS n’est pas à la hauteur de la crise que nous affrontons et de ce qu’elle a révélé. Il ne résout aucun des problèmes soulevés par les personnels soignants et non soignants des secteurs de la santé et du médico-social.

Vous qualifiez d’extraordinaire ce PLFSS, madame la ministre, parce qu’il débloque les 8 milliards d’euros du Ségur de la santé et 4 milliards d’euros pour la covid-19. Mais vous oubliez de dire que ce n’est que conjoncturel, et que vous avez prévu de « serrer les boulons » dès la crise passée.

Vous avez refusé, comme la majorité de droite du Sénat, de faire entrer de nouvelles recettes taxant le capital, qui profite de la crise. Les grands groupes du CAC 40 peuvent dormir sur leurs deux oreilles, notamment Sanofi, laboratoire pharmaceutique parmi les leaders européens, qui va pouvoir continuer à fermer ses sites de recherche et de production en France et licencier à tour de bras, tout en versant des dividendes indécents à ses actionnaires !

Aucune intervention de l’État n’est envisagée pour avoir la maîtrise publique de la production et de la distribution des médicaments, alors que la crise de la covid-19 a révélé plus fortement que jamais une pénurie de médicaments, et que vous refusez de constituer des stocks suffisants.

Quant aux mesures censées renforcer notre système de santé, pallier les difficultés, les manques criants de personnel, de matériel, de locaux, elles vont à l’encontre de l’intérêt commun.

Au lieu d’ouvrir des lits d’amont et d’aval, vous imposez un forfait à 18 euros pour, soi-disant, lutter contre la saturation des urgences, ce qui est une absurdité économique et pose un grave problème de santé publique.

Au lieu d’œuvrer pour un meilleur maillage de l’offre de soins dans les communes, vous portez un coup grave aux centres de santé, en exigeant un conventionnement sélectif par les ARS pour toute nouvelle ouverture dans les zones sur-dotées. C’est un obstacle supplémentaire pour les centres de santé. Vous faites preuve, une nouvelle fois, d’une méconnaissance totale des valeurs qui les fondent, après l’introduction il y a deux ans de la possibilité pour les libéraux d’y exercer leur activité !

Face aux départs de plus en plus nombreux de professionnels de santé, aucun plan de formation et de recrutement n’est envisagé. Inutile, dès lors, d’espérer une amélioration de leurs conditions de travail.

Pourtant, chacune et chacun, ici, a rendu hommage aux médecins, aux infirmières et infirmiers, aux aides-soignantes et aides-soignants, aux brancardiers. Mais quelle traduction réelle dans ce PLFSS ?

Alors que la psychiatrie et la pédopsychiatrie sont sinistrées, ce PLFSS n’ouvre même pas sur une grande loi de santé mentale et poursuit une réforme tarifaire à base de tarification à l’activité (T2A), ce qui aggravera la situation !

Il n’y a pas davantage de mesures significatives pour mettre en œuvre le fameux « tester, tracer, isoler ». Et aucune prise en charge à 100 % pour les masques, devenus obligatoires dès l’âge de 6 ans.

Quant à votre cinquième branche, c’est l’exclusion de la perte d’autonomie des principes de la sécurité sociale et la privatisation du système.

Finalement, ce PLFSS pour 2021 est un rendez-vous manqué, malgré quelques mesures positives que nous avons soutenues, comme l’allongement du congé paternité, même si nous en avons souligné les limites.

Rendez-vous manqué, madame la ministre, car le gouvernement auquel vous appartenez reste sur les mêmes orientations politiques qui ont conduit notre système de santé là où il en est aujourd’hui.

Vous refusez d’investir dans le système de santé pour ne pas augmenter la dette transmise aux futures générations. Mais si l’investissement consiste à construire des hôpitaux, des Ehpad, des centres médico-psychologiques (CMP), les futures générations seront bien contentes d’avoir cette créance pour leur prise en charge, dans un contexte de vieillissement de la population.

À cause de ce refus de suivre une autre voie, le jour d’après, avec vous, sera pire que le jour d’avant !

Cette voie conduit notre système de santé dans le mur, et pas seulement l’hôpital, car il n’y a rien non plus pour la médecine de ville face au manque cruel de généralistes, ni rien sur la mise à contribution des établissements privés dans la prise en charge des malades de la covid-19.

Hélas, quoique mortifère, cette voie est également suivie par la majorité de droite du Sénat qui a aggravé les mesures régressives de ce PLFSS en votant, en pleine crise de la covid, le recul de l’âge de départ à la retraite à 63 ans et l’allongement de la durée de cotisations à 43 annuités. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Ce sont les faits, mes chers collègues !

C’est totalement indécent, au moment où les plans de licenciement explosent et où de nombreux jeunes en recherche d’emploi vont devoir pointer à Pôle emploi. Le prétexte de combler le déficit de la caisse des retraites ne tient pas, car il se double d’un refus d’envisager d’autres recettes.

Alors, pour nous, pour l’ensemble des membres de notre groupe, ce PLFSS, c’est non !

Non à un budget insuffisant ! Non à un budget décalé de la réalité de la crise sanitaire ! (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Non au manque de reconnaissance des professionnels des secteurs de la santé et du médico-social ! Non à l’absence de plan de formation et de recrutements ! Non, enfin, au refus de mise à contribution des plus riches et des dividendes !

Nous disons, au groupe communiste républicain citoyen et écologiste, qu’un budget de la sécurité sociale pour 2021 tenant compte de la pandémie de covid-19, et s’inscrivant dans l’avenir, est possible.

Avec la suppression des allégements de cotisation patronale d’assurance maladie du CICE et sur les bas salaires, la suppression de la taxe sur les salaires des hôpitaux et Ehpad publics, nous pourrions, mes chers collègues, récupérer 50 milliards d’euros pour financer la prise en charge à 100 % des soins, le recrutement immédiat de 100 000 personnels dans les hôpitaux et les Ehpad, et revaloriser de 300 euros les salaires des personnels, ce qui améliorera véritablement l’attractivité de ces métiers.

C’est ainsi que l’on peut préparer la société de demain à faire face aux pandémies, sans lui imposer le confinement comme seul horizon.

En ce 75e anniversaire de la sécurité sociale, mes chers collègues, je conclurai en citant ces propos d’Ambroise Croizat, le bâtisseur de la sécurité sociale (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) – normalement vous êtes friands de débats, mes chers collègues... Vous pouvez donc écouter, même lorsque vous n’êtes pas d’accord ! – : « La sécurité sociale est la seule création de richesse sans capital. La seule qui ne va pas dans la poche des actionnaires mais est directement investie pour le bien-être de nos citoyens. Faire appel au budget des contribuables pour la financer serait subordonner l’efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières. Ce que nous refusons. »

Le groupe CRCE le refuse aussi !

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