Les plus fortunés sont toujours bien protégés, tout comme les grandes entreprises

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de cette crise sanitaire, on entend la petite musique de l’exception : tout serait inédit.

Ce n’est pas faux, mais le politique est convoqué à ses responsabilités : il y a le virus et ses conséquences, ainsi que les mesures financières envisagées en soutien de l’économie.

Il est vrai que nous sommes bien servis, dans ce débat, en termes d’inédit. Ils doivent être toutefois priorisés.

Inédit est l’accroissement des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) qui entraîne une hausse des dépenses des départements, alors que les salaires n’augmentent pas.

Inédite, également, est l’explosion de la pauvreté : le président des Restos du cœur s’est dit choqué que des livreurs de repas de plateformes n’aient pas de quoi manger.

Inédite est la détresse encore plus massive des étudiants, toujours plus isolés dans la précarité. On refuse d’étendre à leur profit le RSA et d’imaginer une allocation d’autonomie. Cette insécurité sociale inhumaine prend une ampleur tellement inédite qu’elle nous paraît devenir extrêmement dangereuse.

Inédit, également, est l’avis du Haut Conseil des finances publiques quant à la politique du « en même temps », ne pouvant « pas pleinement éclairer le débat démocratique sur les finances publiques ».

À l’inverse, la réponse apportée par ce budget aux plus démunis n’a rien d’inédit. Là, tout est normal ! On retrouve la même méthode que d’habitude : un déficit plus lourd et un recours à la dette plus important.

J’ai beaucoup apprécié l’article 2 qui concerne l’impôt sur le revenu. Il est le même en 2017, en 2018, en 2019 et, comme tout change et qu’on est dans l’inédit, le même en 2020 : les plus fortunés sont protégés !

J’ai entendu, comme une rengaine, le refus d’augmenter les taxes et les impôts. Cela signifie l’absence de nouvelles ressources supplémentaires prélevées sur les riches ou sur les grandes entreprises.

Nous ne tomberons pas dans le piège, entretenu dans nos débats, de la confusion entre entreprise et capital. Il n’y a pas de confusion : « entreprise » n’est pas le même vocable que « capital ».

De la même manière, je regrette l’usage de ce que je qualifierai de « non-lieu politique », par exemple en matière de TVA. On invoque l’irrecevabilité liée, évidemment, à l’harmonisation fiscale européenne, permettant d’évacuer le problème des dividendes et des marchés financiers.

Par contre, nous avons voté ce moindre mal, pour le budget des collectivités, que sont les mesures de soutien et les dotations qui permettent d’atténuer ce que j’ai qualifié de « surdité politique » du Gouvernement lors de la discussion générale. Le ministre l’a d’ailleurs avoué à demi-mot : les collectivités subiront l’augmentation des dépenses de l’État due à la crise sanitaire.

Notre groupe est convaincu que les collectivités ne doivent pas constituer une simple variable d’ajustement, parce que c’est sur elles que reposent l’implantation et le cadre de vie des petites entreprises. À titre d’exemple, 98,5 % du tissu économique de mon département du Val-de-Marne qui compte 1,4 million d’habitants est constitué de TPE. Continuons à être vigilants et ne faisons plus d’économies sur la démocratie locale !

Je note également un fossé entre la réalité de la situation et l’efficacité des réponses que cette loi de finances apporte. Cette situation inédite, que vous avez pourtant diagnostiquée, a malheureusement fait l’objet de réponses des plus habituelles.

Nous avons essayé, avec détermination, mais humilité, de faire valoir nos analyses, nos idées et nos amendements. Nous avons tenté de défendre le rôle irremplaçable du Parlement qui est de faire bouger l’impôt, contrôler l’action du Gouvernement et faire des propositions. Mais celles-ci ne sont jamais mises en œuvre par ce gouvernement – cela est également vrai pour les gouvernements précédents.

Néanmoins, nous ne boudons pas les soutiens quand certaines de nos alertes sont prises en considération, par exemple sur la garantie du maintien du fonds postal dans les territoires ruraux à son niveau de 2020.

Nous avons alerté et sans cesse martelé notre opposition à la disparition programmée de l’autonomie fiscale de nos collectivités. Nous avons réussi à obtenir la suppression de l’unification de la taxation de l’électricité qui aurait abouti à faire perdre aux collectivités territoriales 2,3 milliards d’euros. Je rappelle qu’elles ont déjà perdu 10 milliards d’euros du fait de la suppression des impôts de production pour l’année 2021 et 10 milliards pour l’année d’après. Heureusement que notre proposition a été retenue !

Relayant la détresse des élus locaux, nous avons, en outre, obtenu la majorité, et nous vous en remercions, pour la suppression d’un article scélérat de compensation de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, nous considérons que ce budget est un échec politique et nous regrettons, à cet égard, une certaine complaisance et une certaine complicité de la part de la majorité sénatoriale.

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