Ce budget n’est pas à la hauteur des difficultés que connaissent les agriculteurs

Monsieur le ministre, ce budget consacré à l’agriculture n’est tout simplement pas à la hauteur. Il n’est pas à la hauteur des difficultés que connaissent les agriculteurs. Surtout, il n’est pas à la hauteur de leur participation vitale dans le cadre de la covid-19.

En effet, elles et ils ont tenu et nourri le pays ; grâce à elles et eux, nous n’avons pas connu de pénurie. Pourtant, certains secteurs ont été durement atteints par cette crise sanitaire, notamment du fait des fermetures dans le secteur de la restauration et des petits commerces.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’agriculture, qui satisfait pourtant un besoin essentiel, ne représente que 1 % du plan de relance. Alors que le capital et les actionnaires profiteront allègrement de ce plan, les « premiers de corvée », dont les agriculteurs font partie, sont les grands oubliés. Nous le regrettons !
Monsieur le ministre, pensez-vous sincèrement que la baisse de 23 millions d’euros des crédits dédiés à la modernisation et au renouvellement des exploitations est aujourd’hui justifiable ? Que dire aussi de la baisse de 12 millions d’euros du budget consacré à la gestion équilibrée des territoires ? C’est incompréhensible !

De nombreux opérateurs, pourtant essentiels, comme FranceAgriMer, l’Anses et l’Agence Bio voient leurs subventions diminuer de 4 millions d’euros, au nom de la « maîtrise des dépenses publiques » ! Monsieur le ministre, nos fonctionnaires, vos équipes, ont besoin de moyens humains et financiers pour répondre aux défis qui nous sont posés.

Ce budget représente également l’échec des politiques publiques menées jusqu’à présent en matière de transition agroécologique.

Cette année, contrairement aux engagements présidentiels, nous ne sommes pas sortis du glyphosate. Pire, vous avez de nouveau autorisé les néonicotinoïdes pour la filière betterave. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le pire, c’est que vous amputez l’enveloppe allouée au Casdar de 10 millions d’euros par rapport à 2020, alors même qu’il s’agit d’un levier pour accompagner la transition agroécologique de notre agriculture.

Comment construire des alternatives viables et pérennes, si nous ne donnons pas les moyens à la recherche de les trouver ?

Monsieur le ministre, la transition agroécologique est un enjeu essentiel si nous voulons continuer à nourrir l’humanité, tout en préservant notre planète déjà très durement atteinte. C’est un enjeu environnemental, mais également sanitaire et social. Surtout, c’est un enjeu pour nos agricultrices et agriculteurs, pour leur santé, pour la santé des terres qu’elles et ils cultivent, sans qu’ils se retrouvent pour autant dans la misère. Les investissements et les accompagnements sont donc essentiels.

Je poursuis, tout naturellement, sur les revenus des agricultrices et des agriculteurs.

Ce projet de loi de finances ne tient aucun compte de l’échec de la loi Égalim, en matière de revenus des agriculteurs notamment. Cette loi avait pourtant pour objectif affiché, en même temps que la promotion d’une alimentation saine, durable et accessible à tous, l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire… Deux ans après sa promulgation, on peut dire que nous sommes loin du compte !

Par ailleurs, monsieur le ministre, on ne vous entend pas sur un sujet majeur : que pensez-vous des traités de libre-échange ? Il y en a quinze sur la table et on ne connaît pas votre avis ! C’est pourquoi je pose de nouveau la question : quand aurons-nous le droit de voter le CETA, l’Accord économique et commercial global, ici, au Sénat ? Il est impensable qu’un traité de libre-échange d’une telle ampleur, qui fait courir tant de risques à notre agriculture, mais aussi à nos normes environnementales et sociales et à nos services publics, ne soit toujours pas soumis à la ratification du Parlement dans son ensemble !

Cela est révélateur d’un véritable mépris du Parlement et du processus démocratique de la part du Gouvernement.

Je conclus sur le volet de l’alimentation en revenant sur un problème fondamental et urgent qui nous est posé, celui de la précarité et de l’extrême pauvreté, qui ont explosé avec la crise de la covid-19. Avant la crise, en 2019, 5,5 millions de personnes bénéficiaient de l’aide alimentaire, chiffre déjà gigantesque.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Eh oui !

M. Fabien Gay. Les associations nous font part, dans la période que nous traversons, d’une augmentation des inscriptions ; elles prévoient des hausses d’environ 30 %, peut-être de 40 %, du nombre de leurs bénéficiaires.
Certes, à l’échelon européen, des aides ont été prévues, notamment au sein du programme React–UE, mais le risque est que ces aides soient élevées pour les deux prochaines années, et moindres les années suivantes, alors que la crise sociale ne sera pas finie. On peut très vite basculer dans l’extrême pauvreté. Il est urgent d’agir, monsieur le ministre, au-delà de vos seules prérogatives, pour mettre fin à cette précarité, en relançant le travail et en augmentant les salaires notamment.

Vous l’aurez compris : notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission.

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