Si l’on attend une décision européenne, les délocalisations vont se poursuivre

Mes chers collègues, l’autre tentation est de croire que pour produire des médicaments, pour redonner de la force à notre industrie et à notre recherche, il faut agir à l’échelon européen.

Évidemment, ce serait mieux, mais force est de constater que si l’on attend qu’une décision soit prise à l’échelle européenne, les délocalisations risquent de se poursuivre. J’en veux pour preuve un certain nombre de flux intraeuropéens. Des entreprises françaises ayant bénéficié du crédit d’impôt recherche, payé par le contribuable français, n’hésitent pas en effet, quelques années après avoir perçu cette aide, à délocaliser leurs laboratoires à Francfort : vive l’Europe !

On a financé sans condition et au nom de l’Europe ces entreprises. Comment pourrions-nous maintenant nous réjouir de voir partir de Chilly-Mazarin, de Gentilly ou d’ailleurs des postes de chercheurs, qui quittent la France ?

Certes, la perspective européenne est importante. Comme l’a souligné ma collègue Éliane Assassi, un pôle public du médicament et des produits médicaux doit s’inscrire dans un cadre international afin de faire émerger un nouveau regard, une nouvelle conception de la régulation des biens communs que constituent un certain nombre de médicaments, mais cela ne doit pas être le prétexte d’une fuite en avant.

On nous cite l’exemple de l’Allemagne, qui aurait accueilli des malades en provenance d’autres pays. C’est très bien, j’en remercie d’ailleurs nos amis allemands. Mais la solidarité européenne dépend aussi de la pression dans chacun des pays. Dois-je vous rappeler que, en dépit de ses odes permanentes au libre-échange, la première décision prise par l’Allemagne quand elle a su que l’Italie était en manque de respirateurs a été de fermer ses frontières pour empêcher l’exportation de ces matériels ? L’Allemagne produisait des respirateurs, mais elle a préféré les garder pour elle, au cas où, plutôt que d’en livrer aux Italiens !

Les solidarités sont globales, elles sont mieux acquises quand tous les pays sont équilibrés, quand chacun a ses forces et ses faiblesses. Elles sont en revanche loin d’être assurées lorsque l’on est hyperdépendant de décisions abstraites, qui ne règlent souvent pas les problèmes des pays les plus fragiles, voire des pays intermédiaires comme la France.

Un pôle public serait un interlocuteur susceptible de permettre à l’Europe d’évoluer dans ses pratiques. Cette idée n’est pas nouvelle. Lors de l’épidémie d’Ebola, une directive européenne prévoyait déjà l’achat groupé de vaccins. Ce dispositif n’a jamais été utilisé. Il aura fallu attendre la catastrophe de la covid !

Combien de temps la prise de conscience solidaire durera-t-elle ? J’ai la certitude que si la France disposait d’outils efficaces lui permettant de peser dans le rapport de force européen, on avancerait mieux en Europe !

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