Les collectivités territoriales doivent conserver la maîtrise de leur aménagement

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à combler un vide juridique concernant la procédure d’abrogation des cartes communales, qui n’est aujourd’hui pas explicitement prévue par le code de l’urbanisme. Il s’agit donc d’un texte utile et pragmatique, et nous remercions notre collègue Rémy Pointereau de cette initiative. Je tue d’emblée tout suspense en disant que nous voterons cette proposition de loi… à charge de revanche ! (Sourires.)

La procédure définie par le texte permet judicieusement le parallélisme des formes en adossant cette procédure à celle de l’adoption d’un PLU, afin de gagner du temps et d’éviter des surcoûts.

Pour autant, si l’on s’en tient aux difficultés pointées par les auteurs de cette proposition de loi, liées à la réglementation évolutive et aux coûts jugés très ou trop importants de l’élaboration des documents d’urbanisme pour les petites collectivités, force est de constater que cette proposition de loi n’apporte pas toutes les réponses.

Sur le plan de la réglementation, il est vrai que les documents d’urbanisme ont beaucoup évolué depuis la loi SRU, pour tenir compte des enjeux urbains tels que la lutte contre l’étalement urbain, l’exigence de non-artificialisation, la préservation de l’environnement et du vivant.

Ce renforcement des normes et des études n’est pas, à notre sens, du « superflu coûteux ». C’est en effet utile pour atteindre les objectifs de transition et de meilleure préservation des sols. Ainsi, alors que l’équivalent d’un département disparaît tous les sept ans du fait de l’urbanisation, renforcer les objectifs et les normes nous apparaît incontournable, à l’image du « zéro artificialisation nette » prévu à l’horizon 2050.

Les documents d’urbanisme sont des outils essentiels pour atteindre ces objectifs et, dans ce cadre, le renforcement des obligations de contenu nous semble aller dans le bon sens, celui de l’intérêt général.

Cependant, nous ne sommes pas pour l’abrogation « couperet » des POS qui précédaient les PLU, prévue par le texte, d’autant que les POS les plus récents ont été réalisés le plus souvent comme des PLU. Les collectivités, au titre de la libre administration, doivent conserver la maîtrise de l’aménagement de leur territoire.

Il faut par ailleurs, même si ce n’est pas directement l’objet de cette proposition de loi, reconnaître que les évolutions auxquelles sont confrontées les collectivités tiennent beaucoup au changement d’échelle de l’exercice de la compétence « urbanisme », un transfert difficile prévu par l’article 136 de la loi ALUR.

Nous avions, à l’époque, formulé un certain nombre de réserves sur ce transfert automatique qui dessaisissait les communes d’un élément important dans la définition de leur projet politique. Un transfert d’autant moins opportun qu’il s’articulait avec la construction d’intercommunalités forcées, ce qui n’est pas favorable à l’émergence d’un projet urbain collectivement défini et partagé.

Nous avions ainsi estimé que ce transfert de compétence venait dessaisir encore davantage les élus communaux des capacités concrètes de porter le projet politique pour lequel ils avaient été élus, participant ainsi à la vague de dévitalisation des communes et de la démocratie de proximité.

Ces constructions intercommunales, réalisées parfois en dépit des volontés communales, expliquent à nos yeux pour beaucoup les retards pris dans l’élaboration des PLU et des PLUi.

Nous avions, par ailleurs, considéré à cette même époque qu’avec la suppression par la loi de finances de 2014 de l’Assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (Atesat), c’est-à-dire du soutien de l’État aux collectivités justement sur ces questions territoriales, les communes avaient subi une perte très importante d’ingénierie et de maîtrise de leur territoire.

La difficulté des collectivités à faire face à la construction de nouveaux documents d’urbanisme tient donc, à la fois, à une perte d’ingénierie humaine liée à leur dévitalisation progressive, à la fin du soutien technique de l’État et à une baisse continue des ressources financières provenant de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Leur capacité d’action est donc triplement bridée. Nous sommes par conséquent favorables aux dispositions de cette proposition de loi qui facilitent l’exercice de la compétence « urbanisme » pour les plus petites collectivités.

Face à cette situation, et au-delà de l’accompagnement des programmes nationaux par l’ANCT, il nous semble que le rôle de cette agence devrait être recentré sur un soutien plus fort des collectivités dans leur démarche d’élaboration des documents d’urbanisme, notamment au regard des enjeux de transition écologique et d’aménagement équilibré des territoires.

Pour conclure, je dirai que l’esprit de décentralisation doit être maintenu. L’État doit non pas porter une vision autoritaire de l’aménagement territorial et des collectivités, mais apporter à celles-ci son soutien puissant au service de l’intérêt général et de la transition écologique.

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