Vous avez en horreur les monopoles publics, mais n’avez rien contre les monopoles privés

Monsieur le ministre, ce débat aurait pu s’intituler : « À quoi joue l’État, ou plutôt l’exécutif, dans l’affaire Suez-Veolia ? ».

Cela fait maintenant plusieurs mois que nous assistons à une mauvaise partie de Monopoly. Le premier coup de dés fut la privatisation d’Engie au travers de la loi Pacte, et sa scission en deux entités selon le plan Clamadieu – équivalent du plan Hercule pour EDF – pour qu’une partie de ses activités soit revendue à Total.

Puis, vous avez enchaîné avec la vente des parts de Suez que possédait Engie, pourtant stratégiques, à Veolia qui, grâce à ce cadeau, a pu lancer son OPA hostile. L’enjeu de la partie consiste à gérer la majeure partie de l’or bleu de notre pays, les déchets et les services à l’environnement indispensables pour assurer la transition écologique.

Comment expliquer, comment croire que le projet d’absorption de Suez ait pu surprendre par sa rapidité d’exécution l’État, à la fois comme puissance publique et comme actionnaire d’Engie, mais aussi de Veolia, puisque la Caisse des dépôts et consignation en est le premier actionnaire ?

Après Alstom, Nokia, Technip, Engie, General Electric, les Chantiers de l’Atlantique, la volonté de privatiser ADP et de casser EDF, nous assistons aujourd’hui au démantèlement d’un champion français de la transition écologique.

Je constate que vous avez en horreur les monopoles lorsqu’ils sont publics et vous organisez la concurrence. En revanche, cela ne vous dérange absolument pas que des monopoles privés se constituent au seul profit des actionnaires et au détriment des usagers, des salariés et des collectivités.

Dès lors, la seule question est la suivante : quand l’exécutif décidera-t-il d’arrêter la grande braderie afin de permettre à l’État de jouer son rôle de garant de l’intérêt général, de stratège et d’actionnaire ? En tant que bien commun, l’eau ne devrait-elle pas faire partie des secteurs stratégiques et à ce titre, comme l’avait indiqué le président Macron, être tenue en dehors des lois du marché ? Nous pourrions ainsi œuvrer à la création d’un grand service public de l’eau.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur, cette grande braderie nous coûte fort cher, puisque nous rachetons au contraire un certain nombre d’actifs et que nous prenons des positions.

M. Fabien Gay. Dans quelle société ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Désormais, les Chantiers de l’Atlantique, que vous avez cités, sont à 85 % sous contrôle public. Je n’appelle pas cela une braderie.

M. Fabien Gay. Parce que vous n’avez pas réussi !

M. Bruno Le Maire, ministre. De même, nous avons pris des positions pour protéger Ascoval-Hayange. Et je pourrais ainsi multiplier les exemples d’interventions de l’État qui ont permis de protéger notre outil industriel.

M. Fabien Gay. Donnez-en au moins un !

M. Bruno Le Maire, ministre. Par ailleurs, accorder 330 milliards d’euros de prêts garantis par l’État pour soutenir notre économie comme nous l’avons fait est encore la meilleure façon d’éviter la braderie que vous redoutez. (M. Fabien Gay s’en amuse.)

S’agissant d’EDF, je tiens également à répondre à vos inquiétudes. Dans les années à venir, l’électrification des usages sera un défi considérable. Nous devons produire de l’électricité immédiatement disponible et à un coût raisonnable. En la matière, EDF a un rôle fondamental à jouer.

M. Fabien Gay. Nous sommes d’accord.

M. Bruno Le Maire, ministre. La transformation d’EDF que nous appelons de nos vœux vise à maintenir un prix de l’énergie qui soit suffisamment rentable pour que l’entreprise puisse investir.

M. Fabien Gay. Stoppons l’Arenh !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je rappelle qu’il y a des lois et des règlements, et que si nous n’intervenons pas, cette régulation du prix de l’énergie s’éteindra. Nous nous battons pour son maintien : vous devriez nous en être reconnaissants !

M. Fabien Gay. Stoppons l’Arenh !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous nous battons pour maintenir l’unité d’EDF, ce grand service public de l’énergie : vous devriez nous en être reconnaissants !

M. Fabien Gay. Non !

M. Fabien Gay. Nous nous battons aussi pour préserver le nucléaire. (M. Fabien Gay s’en amuse.) Je crois à cette énergie, car j’estime qu’elle est indispensable si nous voulons disposer d’électricité à un coût raisonnable, faiblement émettrice de CO2 et capable d’alimenter tous les usages à venir, qu’ils soient industriels, avec le développement de l’hydrogène, ou privés, du fait du développement de la voiture électrique et d’autres usages électriques. Nous continuons de progresser dans les négociations avec la Commission européenne à ce sujet.

Vous m’avez demandé si j’étais prêt à recevoir les syndicats d’EDF pour discuter de nos propositions : ma porte est toujours ouverte. D’ailleurs, la ministre de la transition écologique et moi-même recevrons les syndicats d’EDF dans les jours qui viennent pour leur expliquer nos intentions et nos ambitions pour EDF, écouter leurs critiques et leurs propositions et bâtir ensemble le meilleur projet possible pour EDF.

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