Rénovation de la gouvernance de l’eau en Guadeloupe : la forme est là, mais le fond nous questionne.

La crise de l’accès à l’eau en Guadeloupe à amené le parlement à se prononcer sur une proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe. Mme. Marie-Claude Varaillas a expliqué ce Jeudi 08 Avril en séance publique la position du groupe CRCE, qui s’est abstenu en raison de l’absence de clarté de la compensation des investissements à réaliser par les collectivités territoriales, et de l’opposition des acteurs de terrains à ce texte.

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Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

Le texte arrêté en commission mixte paritaire permet de conserver des apports du Sénat, afin de rendre un peu plus souple le fonctionnement du syndicat mixte créé par la présente proposition de loi, ou encore d’intégrer une réflexion sur la tarification sociale de l’eau qui est un impératif en termes de justice sociale.
Toutefois, nous estimons que cette structure imposée d’en haut aux Guadeloupéens demeure très contraignante et l’obligation pour l’ensemble des communautés d’agglomérations d’y adhérer en est emblématique. Une telle dépossession des compétences de ces EPCI peut être interprétée comme une ingérence importante de l’Etat dans la libre administration des collectivités, surtout dans un contexte local de négociation entre les acteurs intéressés. Une “feuille de route” a été adressée aux élus locaux par le Gouvernement, vécue par beaucoup comme une mise sous tutelle et une mise à l’écart de l’expertise guadeloupéenne. La crainte du retour des multinationales pour gérer la production et la distribution de l’eau et la pression pour recueillir une aide financière renforcent cette pression sur les élus.

Ce consensus forcé pour aboutir à une entité formelle ne garantit en rien son bon fonctionnement et la manière dont le syndicat va s’intégrer au préexistant. Nous le répétons : la forme est là, mais le fond nous questionne.

Plusieurs interrogations demeurent.

Sur le financement du département et de la région, le ministre s’est engagé à ne pas alourdir le budget des collectivités du fait de ces dépenses nouvelles, mais quelle réalisation concrète de cet engagement ? Les élus locaux savent bien qu’ils ne sont jamais compensés à la hauteur de leurs investissements et que chaque année ces compensations sont rognées.

Si les principales dettes des EPCI ne sont pas transférées au nouveau syndicat pour éviter que cette instance soit “morte-née”, cette question est toujours latente et les élus attendent des réponses.

L’avenir des salariés des structures actuelles n’est toujours pas clair et demande également des garanties pour que chacun puisse retrouver un emploi au sein de la nouvelle structure.

Sur le terrain, le comité de défense des usagers de l’eau de la Guadeloupe ne se satisfait pas du texte. Il a récemment demandé un référendum sur le sujet et souhaite que les usagers soient mieux impliqués dans le processus de gouvernance de l’eau. Ces réclamations portent sur le montant excessif de factures envoyées aux usagers, l’instauration d’un tarif équitable pour tous et l’arrêt des poursuites judiciaires alors que les services sont défaillants.

Le sujet en toile de fond derrière ce texte est celui de l’accès à l’eau, et de la raréfaction des ressources en eau qui touche en premier les territoires marins et qui appelle à la solidarité nationale et internationale. Ces mêmes collectivités d’outre-mer qui sont déjà touchées par des réseaux vétustes et où plus de la moitié de l’eau est perdue dans des fuites. Pourtant, les habitants dont le quotidien est rythmé par des coupures d’eau, continuent de payer des factures.

L’eau est un bien commun, essentiel à la vie, impliquant des enjeux écologiques, sociaux et économiques. D’où l’importance d’une gestion publique pour garantir son accès, mais également sa qualité. Alors que le droit à l’eau et à un assainissement de qualité a été reconnu en 2010 comme “un droit fondamental essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’Homme” par l’ONU, ce droit est bafoué et les inégalités liées à cette ressource s’aggravent.

Le 15 avril prochain, notre groupe proposera de faire de ce droit à l’eau aujourd’hui fictif, un droit réel. Nous défendrons par une proposition de loi un accès pour toutes et tous à l’eau potable et à l’assainissement. Nous défendrons la gratuité des premiers litres d’eau nécessaire au quotidien, à la vie.

Nous maintenons donc notre position d’abstention sur ce texte.

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