Les politiques de marchandisation et de libéralisation ont rendu l’accès à l’eau plus difficile et plus onéreux

Les politiques de marchandisation et de libéralisation ont rendu l'accès à l'eau plus difficile et plus onéreux - Gratuité des premiers volumes d'eau potable

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi déposée par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste prévoyant la gratuité des premiers mètres cubes, mais également la garantie de l’accès à l’eau et à l’assainissement pour les populations les plus fragilisées, comme l’exige la récente directive européenne sur l’eau.

L’accès à l’eau et la protection de cette ressource sont l’un des défis majeurs de notre siècle. L’eau est à ce point essentielle qu’elle conditionne tout simplement la vie. Pourtant, comme c’est le cas de l’ensemble des biens communs, les politiques de marchandisation et de libéralisation ont conduit à rendre son accès plus difficile et plus onéreux.

En moyenne, son prix a augmenté de 10 % au cours des dix dernières années, et de manière inégale sur l’ensemble du territoire puisque le prix de l’eau varie dans une fourchette de un à huit. La perte d’ingénierie publique tout comme les regroupements XXL ont poussé les collectivités à déléguer cette compétence, livrant les usagers aux mains des opérateurs privés comme Suez ou Veolia.

Face à cette situation, cette proposition de loi pose un principe simple : si l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit universel, alors, pour la proportion qui est vitale, cet accès doit être gratuit pour toutes et tous et sur l’ensemble du territoire. Il s’agit d’une exigence d’égalité et de solidarité qui découle de nos engagements internationaux tout comme de l’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Telle est la responsabilité des pouvoirs publics qui, lorsqu’ils reconnaissent un droit constitutionnellement ou législativement, doivent parallèlement créer les conditions de son effectivité.

Alors que selon les associations caritatives, la crise sanitaire a fait basculer dans la pauvreté 1 million de Français, qui s’ajoutent ainsi aux 9,3 millions de personnes vivant déjà en dessous du seuil de pauvreté, nous souhaitons, à l’image de l’exigence exprimée par les « gilets jaunes », allier performances écologiques et exigence de justice sociale. Il n’y aura pas de transition écologique réussie sans partage des richesses, du savoir et des pouvoirs. Nous allions donc concrètement protection des biens communs et accès aux droits, en l’occurrence, au droit à l’eau.

Certains nous répondent que nous avons déjà fait beaucoup en interdisant les coupures. C’est un premier pas, mais un droit ne se définit jamais par la négative.

Permettez-moi de revenir sur deux points qui nous paraissent importants.

Au-delà de sa dimension sociale, cette proposition de loi pose une question plus générale, celle de la gestion d’un bien commun. J’ai souvent entendu, lors des interventions des différents orateurs, qu’il fallait faire confiance aux collectivités pour mener les politiques de solidarité. Nous déplorons la baisse continue des dotations qui les contraignent à privatiser les services publics locaux faute de moyens. Pourtant, chers collègues, il faut également entendre l’exigence qui s’exprime dans beaucoup de territoires pour le retour aux régies. Cela s’explique simplement par le constat que, pour protéger les biens communs, les services publics sont bien les outils les plus pertinents et performants.

Par ailleurs, comment ne pas penser aux tentatives monopolistiques en cours entre Suez et Veolia et à leurs conséquences sur les usagers de l’eau, considérés comme de simples réservoirs de profits à venir ? Les pouvoirs publics doivent intervenir pour sortir l’eau de ces politiques de marchandisation à rebours des exigences sociales et environnementales.

Par cette proposition de loi, nous souhaitons donc poser les bases de l’exercice d’un droit universel grâce au levier de la gratuité. Nous élargissons nos exigences à la nécessité de repenser les conditions de la compétence « eau » par les collectivités et le nécessaire soutien par l’État des collectivités qui s’engageraient dans cette voie. M. Darnaud nous a invités à déposer de nouveau des amendements en ce sens dans le cadre de l’examen de la loi 4D. Nous nous y emploierons.

Enfin, nous ne nous félicitons pas de l’OPA hostile de Veolia sur Suez. Il ne s’agit pas d’un accord, mais bien d’une capitulation qui aura des effets graves sur le long terme pour les collectivités, les usagers et les salariés. Il est urgent de constituer un grand service public national de l’eau par la création d’un pôle public réunissant tous les acteurs économiques et garantissant l’égalité du prix de l’eau et l’accès à tous partout sur le territoire national. Cela permettrait de fédérer les acteurs publics aujourd’hui dispersés, de coordonner les investissements publics et privés indispensables et de faire converger les compétences et les savoir-faire. Cet outil au service de la maîtrise publique de l’eau doit permettre une gestion démocratique associant les usagers, les collectivités et tous les acteurs de la filière.

Il s’agit enfin d’une condition indispensable à la défense de l’emploi et des savoir-faire, mais aussi d’un levier indispensable pour garantir une gestion de cette ressource conforme aux ambitions écologiques que doivent porter la France et l’Europe.

Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments que nous souhaitions apporter à ce débat.

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