Renforçons notre stratégie d’intelligence économique

La France doit défendre ses intérêts, ses entreprises, ses emplois, et savoir affronter ce qu’il faut bien appeler une guerre économique, au niveau tant mondial qu’européen.

Pour notre part, nous plaidons pour la coopération. Mais ne soyons ni les naïfs de la mondialisation libérale, ni les bisounours d’une Europe qui, non seulement se protège mal, mais organise en son sein une concurrence effrénée avec des dumpings sociaux et fiscaux. La France est particulièrement touchée.

Il faudra bien changer ce cadre, mais, en attendant, il faut agir vite ! Si nous voulons inverser la spirale de désindustrialisation, de délocalisation, de détérioration grave de notre balance commerciale, en particulier avec nos partenaires européens, il faut mettre en œuvre une politique d’intelligence économique.

Je concentrerai mon propos sur ce point, parce qu’il y a beaucoup à faire dans de nombreux domaines.

La plupart des grands pays développés ont des programmes d’intelligence économique, ainsi que des outils particuliers voués à cette fonction. Je pense, en particulier, aux États-Unis et à l’Allemagne. Si nous avions eu des structures réellement opérationnelles, avec une mobilisation de tous les acteurs territoriaux et sociaux, avec une culture partagée de l’intelligence économique, nous aurions certainement pu anticiper et éviter la vente d’une partie de notre fleuron national Alstom à General Electric et le démantèlement de Technip, qui passe sous pavillon américain – je prends ces deux exemples, mais de nombreuses PME et PMI font, tous les jours, l’objet d’opérations de prédation de la part d’entreprises étrangères.

L’intelligence économique est donc un outil permettant de mobiliser les forces vives du pays – l’État, les territoires, etc. – pour, d’une part, anticiper et déployer une stratégie de veille sur les risques menaçant les entreprises, grandes ou petites, et, d’autre part, créer des outils en vue de réagir à temps, très rapidement. À nouveau, les États-Unis ou l’Allemagne font cela très bien, par exemple en modifiant la fiscalité ou la législation pour s’adapter à la stratégie des prédateurs.

Il faut donc une stratégie d’intelligence économique. Nous avons déposé un projet de loi très complet en la matière, considérant que la France doit se doter de tels outils. Madame la ministre, le Gouvernement est-il prêt à présenter une loi pour une nouvelle stratégie d’intelligence économique en France ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Lienemann, comme vous le savez, un Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse) a été créé en 2016 par la réunion de différentes entités tournées vers l’intelligence économique. Ce service, rattaché au ministère de l’économie, des finances et de la relance, dispose de correspondants territoriaux dans les régions. De même, vous le savez également, le Président de la République a fait de l’économie une priorité des services de renseignement en la repositionnant dans la politique de renseignement globale de la France.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela ne marche pas !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. S’agissant de la lutte contre les prédations, nous avons, avec la loi Pacte puis par la loi d’urgence sanitaire, renforcé la réglementation applicable aux investissements étrangers en France de manière à permettre un filtrage de ces investissements, l’objectif étant d’interdire toute prédation sur des PME et des ETI qui possèderaient des savoir-faire ou des technologies uniques.

En outre, grâce à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), nous avons renforcé nos outils de lutte contre les cyberattaques, qui sont une autre façon de déstabiliser des entreprises par l’acquisition d’informations économiques ou par la déstructuration des systèmes d’information.

Bien sûr, il est possible d’aller plus loin. C’est pourquoi nous avons porté ces propositions au niveau européen. Je rappelle que le règlement de filtrage des investissements étrangers a été largement soutenu par la France, qui a été avant-gardiste dans ce domaine. Nous sommes prêts à poursuivre notre travail dans cette direction, en ayant cependant le souci de ne pas utiliser ce règlement comme un moyen de protection visant à empêcher toute circulation de l’innovation et tout investissement productif. Il faut trouver un juste équilibre.

En tout état de cause, on ne peut pas dire, me semble-t-il, que le gouvernement français ait fait preuve de naïveté ces dernières années. Il a clairement investi dans l’intelligence économique.

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