La France doit-elle mettre de l’huile sur le feu ou contribuer à l’apaisement ?

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution nous invite à soutenir la décision du Gouvernement d’appuyer le retour de Taïwan au sein de l’Organisation mondiale de la santé, son entrée à l’Organisation de l’aviation civile internationale, ainsi que dans la Convention des Nations unies contre la corruption et Interpol, dans un contexte de pressions internationales importantes de quelques pays.

L’île, qui, pour rappel, a joui du statut de membre observateur de l’OMS de 2009 à 2016, n’a plus été invitée par l’organisation onusienne depuis l’élection à sa tête de l’indépendantiste Tsai Ing-wen. Le problème qui semblerait se poser aujourd’hui est de savoir sous quelle forme se ferait le retour de Taïwan… En tant que région rattachée à la Chine ou en tant que pays souverain ? Sans même s’interroger sur les revendications territoriales de l’île ?

En 1964, la France avait su se distinguer des autres pays occidentaux en reconnaissant diplomatiquement la République populaire de Chine et en entretenant des relations privilégiées avec Pékin. C’était sept ans avant que l’Organisation des Nations unies ne reconnaisse la République populaire de Chine et lui réserve le siège au Conseil de sécurité occupé depuis 1950 par Taïwan. Des relations parfois difficiles, certes, mais tout de même suffisamment suivies pour que Paris fasse office d’interlocuteur exigeant et respecté.

Il convient de rappeler la participation de Taïwan sous la dénomination « Taipei-Chine » à de grands événements internationaux comme les jeux Olympiques et Paralympiques ou à des instances multilatérales comme l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, le GATT, ou la Banque asiatique de développement.

Il existe donc un espace politique de dialogue et de discussion avec Pékin, et non contre elle, qui doit être approfondi.

Il est vrai que Taïwan, de fait, existe et dispose d’un organe législatif, exécutif et administratif. De plus, le renouvellement des générations renforce la distance prise avec Pékin. En effet, 85,6 % des Taïwanais sont nés après la séparation de l’île et du continent.

Cependant, je me permets de rappeler que, sur cette île, la Constitution de la République de Chine est toujours applicable et intègre dans son territoire la Chine continentale et des territoires russes, indiens ou encore mongols.

Le contexte de confrontation déclenchée par Donald Trump est stratégique, politique et commercial. Ce contexte n’est d’ailleurs pas étranger au regain des mobilisations sur Taïwan, à l’enjeu de la rivalité stratégique.

Toutefois, nous ne pouvons pas omettre non plus que la situation actuelle laisse craindre une escalade pékinoise qui pourrait aboutir à un conflit. Que gagnera la France à s’impliquer dans cette stratégie de confrontation ? La réponse occidentale doit-elle être de mettre de l’huile sur le feu ou d’apaiser la situation ?

Cette proposition de résolution, malheureusement, s’inscrit par ailleurs dans un alignement inquiétant de la France dans la roue des États-Unis. Son siège au Conseil de sécurité de l’ONU, mais aussi son histoire avec Pékin lui donnent pourtant la responsabilité de se placer en conciliatrice. Les exemples du GATT ou du Comité international olympique montrent qu’un espace existe, d’autant plus que l’île et le continent sont particulièrement dépendants.

L’adoption d’une telle proposition de résolution serait-elle de nature à aplanir les tensions ou, au contraire, à les exacerber jusqu’à un point de non-retour ?

Au vu des réactions officielles de Pékin, on peut craindre une rupture franco-chinoise, qui à bien des égards nuirait à Paris.

M. Bernard Jomier. Ah, si le PCC n’est pas d’accord…

Mme Michelle Gréaume. Soutenir cette proposition de résolution serait s’inscrire dans l’agenda stratégique porté par les États-Unis et sortirait la France de sa position de neutralité dans le dossier. C’est pourquoi notre groupe s’abstiendra.

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