Ce que nous infligeons aux animaux est un miroir sombre

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question du bien-être animal comporte des dimensions scientifiques, éthiques, économiques, culturelles, sociales, religieuses et politiques. Elle transcende tous les courants de pensée.

Nos concitoyens et concitoyennes y sont de plus en plus sensibles. Nous ne pouvons nier les alertes lancées sur la violence des conditions d’élevage, de transport et d’abattage dans certains endroits, même si certains ne voudraient pas le voir, quand d’autres voudraient le cacher.

La maltraitance dans certains abattoirs,…

M. Arnaud Bazin. Certains !

M. Fabien Gay. … l’élevage en batterie et le broyage des poussins interrogent notre modèle agro-industriel, mais aussi, plus largement, notre modèle de société.

En effet, ce que nous infligeons aux animaux est un miroir sombre, sur lequel il ne fait pas bon se pencher. La pression productiviste et les inégalités s’intensifient pour les humains comme pour les animaux. Songeons à la violence subie par les animaux d’élevage intensif. Mais songeons aussi à la violence subie par le personnel des abattoirs ou à celle des licenciements massifs par des groupes peu scrupuleux lancés dans la course au profit. Je pourrais égrener de nombreux exemples.

Accepter la possibilité de maltraiter, quel que soit l’être maltraité, c’est ouvrir une brèche vouée à se creuser ; c’est créer un précédent dans la violence et l’aliénation ; c’est vouloir détruire l’altérité.

L’alimentation est à la fois une nécessité vitale, un plaisir et un moment de convivialité avec nos proches. Mais à l’heure de la crise environnementale et de l’industrialisation de l’élevage, nous n’avons d’autre choix que d’intégrer aussi sa dimension éthique. Repenser le rapport de l’humain à la nature et au monde animal, est une nécessité.

Toutefois, nous pensons qu’il faut sortir de la vision binaire « pour ou contre » l’élevage ou la viande, pour poser la question du modèle d’élevage et d’agriculture que nous voulons.

L’émergence de la question du bien-être animal frappe un secteur déjà fragilisé par les crises sanitaires et économiques de ces dernières décennies. Mais défendre l’élevage, c’est reconnaître les dérives entraînées par le modèle hyper-productiviste, soit 80 % de l’élevage en France, qui nuit à l’ensemble des éleveurs.

En 2019, le Conseil économique, social et environnemental alertait sur ces transformations et sur la baisse de rémunération qui les accompagne.

Ainsi, en trente ans, le nombre d’éleveurs a chuté de 57 % dans le secteur des porcs et volailles et de 70 % dans celui des vaches laitières. Cet effondrement n’a pas empêché les cheptels d’augmenter, ni les animaux d’être abattus en masse. C’est l’agriculture paysanne qui est la première victime, au profit de fermes des « mille vaches ». (M. Laurent Duplomb s’exclame.)

France Nature Environnement pointe la concentration croissante, qui entraîne des risques sanitaires, et l’impact environnemental. La multiplication des accords de libre-échange, pression supplémentaire pour nos agriculteurs, et sur eux, exacerbera encore ce phénomène.

C’est dans ce cadre qu’il faut appréhender la proposition de loi du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, qui vise à trouver un équilibre entre les impératifs des éleveurs, sans les stigmatiser, et la recherche de meilleures conditions d’élevage.

La plupart des réglementations et cahiers des charges nationaux et européens visant à protéger les animaux sont basés sur les cinq libertés du rapport Brambell, qui date déjà de 1965. Il s’agit d’assurer l’absence de faim et de soif, d’inconfort, de douleur, de blessures et de maladie, de peur et de détresse, ainsi que de garantir un espace suffisant et adapté et la compagnie d’autres congénères.

Néanmoins, ces principes ne sont pas contraignants et les moyens manquent pour assurer les contrôles et permettre à nos éleveurs de réaliser cette transition. C’est tout l’intérêt de l’article 4, qui propose un fonds dédié à cette transition, dans une vision longue.

Il faut aller plus loin et passer d’un élevage intensif, industriel et destructeur, à un élevage respectueux de l’environnement, de l’humain et de la planète.

Pour ces raisons, nous voterons cette proposition de loi et interviendrons pour défendre un certain nombre d’amendements.

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