La LOLF est confortée dans ses principes et ses objectifs

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moderniser la gouvernance des finances publiques est un projet ambitieux, tout comme vouloir rendre plus lisibles la dépense, l’impôt et la taxe, tout comme apporter une réponse « à l’enjeu de consentement, de démocratie pour faire mieux connaître à nos concitoyens comment l’impôt et la taxe sont levés dans notre pays ». Ce discours est séduisant ; hélas, il ne trouve presque aucun débouché dans ces textes.

Nous nous sommes posé deux questions.

Comment, grâce à ces propositions de loi, les citoyens amélioreront-ils leur compréhension des débats budgétaires et se les approprieront-ils ?

Comment, en tant que parlementaires, allons-nous être en capacité de proposer, par exemple, le financement de l’égal accès aux droits de toutes les catégories sociales, des innovations environnementales, ou encore de faire valoir nos projets de société ? Nous ne le pourrons pas, puisque la LOLF est confortée dans ses principes et ses objectifs.

Je dirai, monsieur le ministre, que vous appliquez aux mêmes causes les mêmes remèdes.

Sur ce point, nous sommes forces de proposition : il faut laisser les parlementaires soumettre au débat un contre-budget, sans dépasser le montant global des crédits, de sorte que personne, pas même le Gouvernement, puisse nous qualifier de dépensiers. Nous vous présenterons ce que nous ferions si nous étions en responsabilités.

Il nous faut desserrer l’étau de l’article 40 de la Constitution, en permettant aux parlementaires de créer des missions ou d’opérer des transferts de crédits entre elles. Celles-ci ne seraient pas, vous le concéderez, plus illisibles et moins cohérentes que la mission « Plan de relance » – un plan de relance sans planification est synonyme de tout-venant et de débudgétisation des crédits traditionnels…

Cette modernité dont vous vous prévalez est, à nos yeux, un concept assez creux. La logique de performance et de gestion induite par la LOLF perdurera au détriment de la qualité du débat et de la décision budgétaire.

Vous confortez notre impuissance – certains pourraient parler d’allégeance – face à la Commission européenne et aux traités européens. La loi de programmation des finances publiques devrait- elle être conforme aux traités européens ?

Cette loi doit servir à planifier les besoins de la Nation, conformément à l’application des principes sociaux, économiques et environnementaux définis dans la Constitution, le préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l’environnement. Voilà un cap et une utilité restaurée des lois de programmation ! Tout le contraire d’une « modernité » qui choisit d’imposer les mécanismes de réduction des dépenses publiques, chers à la Commission européenne, une modernité bien loin d’être une source de changements – c’est la conception qui préside à tous les choix budgétaires depuis plusieurs décennies et, plus encore, depuis l’avènement de la LOLF.

Notre groupe propose une autre solution : rompre avec cette logique budgétaire, que nous qualifions de « dangereuse », consistant à étrangler l’emploi des agentes et des agents publics.

Nous proposons la suppression du plafond d’emploi et la fin de la fongibilité asymétrique. Derrière ces termes pouvant apparaître « barbares », se cachent des effets désastreux : les opérateurs de l’État, les autorités administratives et autorités publiques n’ont plus rien d’indépendant en matière d’emplois publics ; leurs emplois seront encore plus considérés comme les variables d’ajustement du budget de l’État, de même que les fonctionnaires subiront les logiques comptables de ceux qui les gouverneront. Entre 2006 et 2020, seuls trois budgets ont proposé une augmentation du nombre de fonctionnaires. Trois budgets sur quatorze… Pour quels résultats ? Des services se retrouvent avec l’interdiction de recruter un fonctionnaire, mais avec assez d’argent pour faire un chèque deux fois plus élevé à des cabinets privés. On appelle cela la « maîtrise des dépenses »…

Les effets des politiques soumises à ces cadres budgétaires sont « antisociaux » et contre-productifs. La logique de performance de la LOLF fait donc bel et bien figure de mythe.

Votre seule réponse à tous ces maux et au déclin des marges de manœuvre du Parlement et des groupes politiques dans l’élaboration du budget, c’est de rajouter du papier à destination des parlementaires et des citoyens…

Pour citer Franz Kafka, « les chaînes de l’humanité torturée sont faites de paperasse ». Quelle est votre intention lorsque vous choisissez de nous accabler de tant de pages supplémentaires ?

Depuis 2006, le nombre de pages a plus que doublé, avec, comme résultat, un volume de 6 092 pages de « jaunes » et « oranges » budgétaires. Avec les « bleus », c’est un arc-en-ciel de 10 000 pages ! Pour quel pouvoir in fine ? Pour quelle lisibilité ? Je crois que vous savez que tout cela est vain et inopérant, monsieur le ministre – sans doute le savons-nous tous, même si ce n’est pas dit de la même manière.

Nous voterons certains articles, par exemple l’instauration d’un débat sur la dette – notre soutien à une telle disposition ne vous étonnera pas, mes chers collègues, pas plus que M. le ministre – ou encore le renforcement des informations sur les dépenses fiscales. Nous rejetterons toutefois ces textes, à moins que la vingtaine de propositions présentées par nos soins pour répondre à l’ambition déçue que ceux-ci représentent et pour permettre une véritable modernisation des règles budgétaires ne soient retenues.

Il faut réformer la LOLF pour raffermir la démocratie budgétaire. C’est le sens de notre action, et de notre opposition à ces propositions de loi.

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