Cette proposition de loi crée une concurrence entre les associations

Cette proposition de loi crée une concurrence entre les associations - Dons et adhésions aux associations à vocation sportive, culturelle et récréative (Pixabay)

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme je l’ai dit en commission, cette proposition de loi a le mérite de nous inciter à nous interroger sur la situation de la vie associative.

Nous avons pu, avec nos collègues de la commission de la culture, et en nous appuyant sur les représentants du secteur, dresser un état des lieux après ces dix-huit mois de crise sanitaire. Arrêt des activités, annulation des événements et perte de bénévoles mettent aujourd’hui les associations dans une situation extrêmement tendue.

S’il faut mettre à l’honneur l’engagement des collectivités territoriales et le maintien des dons, et reconnaître l’intervention de l’État, les trous dans la raquette sont trop nombreux pour s’en satisfaire.

D’après les deux dernières enquêtes du mouvement associatif, 30 000 associations sont considérées comme en péril et 55 000 associations employeuses envisagent de réduire leurs effectifs, ou ont déjà procédé à des pertes d’emplois. La reprise des activités, permise ces derniers mois, a par ailleurs montré la difficulté pour les associations d’attirer de nouveaux adhérents et bénévoles.

Au regard de ces éléments, nous ne pouvons donc nous satisfaire de la situation. Nous devons surtout nous interroger sur le modèle de soutien tel qu’il est mis en place. Pouvons-nous continuer, par exemple, à voir plus de 80 % des crédits consacrés au programme « Jeunesse et vie associative » vampirisés, si j’ose dire, par le service civique et le service national universel ? La plus-value sociale de ces deux dispositifs est somme toute restreinte, et le premier a montré de très nombreuses limites. J’ai d’ailleurs pu voir hier que le dispositif du revenu d’engagement semblait être enterré…

Plus largement, pouvons-nous nous satisfaire d’un soutien étatique aux associations qui passe plus largement par un abandon de recettes via la défiscalisation des dons ? On connaît tous les biais que cela crée… La proposition de loi qui nous est soumise créerait, excusez-moi du terme, une concurrence entre les associations bénéficiant de la déduction à 66 % et celles bénéficiant de la déduction à 75 %. Nous avons tendance à être d’accord avec l’appréciation de notre commission des finances, exposée par le rapporteur, mais sans fermer les yeux sur le fait que la concurrence existe déjà et passe largement par la course aux dons. Tout l’enjeu d’un soutien étatique, c’est qu’il peut être universel.

Pouvons-nous enfin continuer à faire comme si le remplacement nécessaire de la réserve parlementaire par le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) n’avait pas été un moins-disant pour les associations ? Non seulement la moitié des crédits ont disparu, mais nous constatons tous, depuis plusieurs années, une territorialisation du soutien aux associations, qui atteint aujourd’hui ses limites : 44 % des demandes de soutien sont déboutées, et les montants attribués sont largement inférieurs à ceux demandés.

Nos collègues du groupe du RDSE proposent de jouer sur les taux de défiscalisation pour encourager le don. Quand on voit la baisse des dons consécutive à la hausse de la CSG et au remplacement de l’ISF, le levier fiscal semble incitatif. Toutefois, la proposition de loi ne répond aucunement aux enjeux et pose même plusieurs problèmes à mes yeux.

Premièrement, il me semble qu’il faut remettre les choses en perspective. Le taux de 75 % existe déjà et concerne quasi exclusivement les associations d’aide aux personnes en difficulté ou victimes de violences. Sans nier l’intérêt social des associations sportives, culturelles et de loisirs, nous ne sommes pas dans le même cas. Pis, à lire la proposition de loi, les associations humanitaires et caritatives resteraient, elles, dans le champ des associations ouvrant droit à une réduction d’impôt de 66 %.

Deuxièmement, cela s’apparente à une fuite en avant, avec une dépendance aux dons encore renforcée. Nous aurons cette discussion lors de l’examen du projet de loi de finances, malgré les problèmes d’irrecevabilité. Il est urgent de réorienter la politique de soutien aux associations, en utilisant des leviers sous-utilisés aujourd’hui, comme le FDVA, mais aussi le Pass’Sport, qui pourrait être décliné, ou le pass culture, sur lequel nous sommes plus circonspects, mais qui pourrait lui aussi être réorienté.

Malgré ces problématiques, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi. En effet, si nous sommes opposés au passage à 75 % de la réduction d’impôt, il est vrai que la question des leviers incitatifs à l’adhésion à une association se pose.

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