Il s’agit de produire un sursaut majeur avant l’hécatombe du vivant sur cette planète

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me permets de commencer par une remarque de forme s’agissant de cette proposition de résolution : il est difficile de comprendre que seuls trois groupes aient été initialement associés à sa rédaction. Lors de la préparation de la COP21, un texte ambitieux avait été construit à la suite de travaux auxquels avaient participé l’ensemble des commissions et des groupes. Il est regrettable que cette procédure n’ait pas été réitérée.

Sur le fond, cette résolution ne manque pas d’intérêt, mais elle semble très, voire trop technique. Elle n’insiste donc pas suffisamment sur les enjeux posés par la COP26.
En effet, l’essentiel n’est plus désormais d’approfondir les engagements de la COP21 ni d’en décliner tel ou tel article, mais il s’agit de produire un sursaut majeur avant l’hécatombe du vivant sur cette planète.

L’omniprésence des multinationales dans les enceintes des débats des COP apparaît comme un symptôme de l’impuissance des États à préserver le cadre public des échanges, qui est pourtant d’intérêt général. L’élément est certes anecdotique, mais il est révélateur des contradictions majeures entre les discours et les actes. La réalité devrait pourtant nous rappeler à l’ordre.

Entre 1990 et 2018, les émissions de CO2 dans le monde ont augmenté de 67 %. Le dernier rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) confirme un dérèglement climatique que l’on peut déjà mesurer par un réchauffement de 1,1 degré et la certitude que celui-ci atteindra 1,5 degré dans dix ans.

Selon la dernière évaluation des Nations unies, les engagements actuels mènent la planète vers un réchauffement de 2,7 degrés d’ici à la fin du siècle. Nous savons pourtant qu’au-delà de 2 degrés les conditions mêmes d’existence de l’humanité ne sont pas soutenables.

Face à ces prévisions, la future COP doit acter des engagements plus importants, y compris de la part des plus gros émetteurs. Aussi, nous partageons l’appel à aller vers des objectifs plus ambitieux dans le cadre d’une responsabilité commune, mais différenciée.

Cependant, des sources légitimes d’inquiétude demeurent. Nous sommes notamment dubitatifs sur le satisfecit qui a été donné concernant les objectifs de la France et de l’Union européenne. En effet, si les engagements pris s’articulent avec des politiques de libéralisation dans les secteurs clés pour la transition écologique, comme l’agriculture, les transports ou l’énergie, grâce à la signature d’accords de libre-échange, ils n’auront que peu de portée à long terme, ce qui condamne par avance tout effort tangible de réduction massive des émissions.

Quant aux mesures prises par la France, elles sont clairement insuffisantes comme l’a pointé le Haut Conseil pour le climat. La récente loi Climat et résilience ou le plan de relance restent trop favorables aux énergies fossiles. Ainsi, en 2020, la France a encore soutenu le développement des énergies fossiles à hauteur de plus de 9 milliards d’euros. Faut-il rappeler que notre pays a été condamné pour non-respect de ses engagements climatiques ?

À nos yeux, l’exemplarité consiste à rompre avec des modèles de développement devenus obsolètes. Or il n’en est pas question dans cette proposition de résolution, car ses auteurs continuent de fixer le modèle libéral comme seul horizon.
Par exemple, nous ne partageons pas la philosophie d’où découle le dispositif de la compensation carbone, car par essence compenser n’est pas réduire. Par ailleurs, son principe repose sur l’idée fausse que le vivant est interchangeable de sorte que l’on peut reconstruire ailleurs ce que l’on a détruit ici. Autrement dit, l’on pourrait émettre, dès lors que l’on absorbe ailleurs. Cette approche se fonde sur des mécanismes de financiarisation de la nature et laisse cours à toutes les dérives liées aux obligations vertes. On ne peut pourtant pas se satisfaire de simples « droits de polluer ». Non, planter des arbres à l’autre bout du monde ne diminue pas l’impact des activités des plus gros pollueurs !

Par ailleurs, l’efficacité de ces projets reste à démontrer. Pis, ils font peser de nouveaux risques sur les droits humains qu’il s’agisse de l’accaparement des terres, de l’expropriation des populations locales, de la remise en question de la souveraineté alimentaire ou de l’accentuation du dérèglement climatique.

Par conséquent, nous considérons que le texte doit aborder non seulement les engagements des parties, mais également la capacité de l’ONU et des États à préserver les biens communs mondiaux, à investir et à faire respecter ces engagements. L’eau, la terre, les forêts et l’air sont des ressources trop précieuses pour les laisser entre les mains de la finance et des multinationales.

C’est la raison pour laquelle il convient de porter très haut les idées de justice climatique, en créant un tribunal compétent en la matière, conformément à ce qui a été envisagé lors du sommet de Cochabamba.

Quant à la mobilisation du fonds vert, aussi importante soit-elle, comment ne pas souligner son aspect dérisoire dès lors que l’industrie pétrolière finance la recherche sur les énergies fossiles à hauteur de 500 milliards de dollars par an ?

Enfin, nous considérons – la proposition de résolution esquisse cette idée – que l’on ne trouvera pas de solution pour le climat sans remettre en cause l’organisation sociale, afin de résoudre les problèmes auxquels est confrontée l’humanité, que ce soit l’accès aux vaccins, la gestion de la dette publique, la protection de la biodiversité et la baisse des émissions.

La lutte pour le climat est aussi une lutte pour l’égalité des droits et donc pour le progrès social partagé. Nous aurions souhaité que le texte mentionne plus clairement la nécessité d’une véritable reconnaissance des droits des peuples autochtones et la priorité donnée à l’humain plutôt qu’au marché et aux intérêts financiers.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe CRCE s’abstiendra.

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