Le gouvernement va-t-il finir par concéder un « chèque pâtes », un « chèque sucre », un « chèque café » ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous soumet un énième projet de loi de finances rectificative.

Le recours aux collectifs budgétaires durant ce quinquennat témoigne d’ailleurs d’un bouleversement de doctrine.

En 2018, en pleine crise sociale, rien n’est décidé dans le cadre de la loi de finances rectificative promulguée le 11 décembre. Dix jours plus tard, en revanche, une loi comportant des mesures fiscales censées répondre au problème des « gilets jaunes » est, elle, adoptée.

Depuis, les lois de finances rectificatives se sont multipliées. Elles ont toutes été adoptées, même si elles comportent de nombreuses mesures fiscales et des mouvements de crédits qui ont considérablement affaibli nos travaux parlementaires.

Le quinquennat s’est déroulé en deux temps. Dans un premier temps, le gouvernement a estimé ne pas devoir rectifier ses décisions budgétaires ; dans un second temps, il s’est affranchi non seulement de l’avis du Parlement, mais aussi de toute sincérité politique.

Dans les deux cas, on a observé une gestion budgétaire en yoyo, du nouveau dans les mots, mais de l’ancien dans les actes.

Comme pour le projet de loi de finances, la présentation de ces chiffres et résultats passe par une communication, qui s’apparente, à nos yeux, à un exercice d’autosatisfaction. Ce n’est pas « quoi qu’il en coûte », c’est « quoi qu’il arrive » ! (Mme Cathy Apourceau-Poly rit.)

Vous avez volontairement sous-évalué les recettes, monsieur le ministre. Vous ne nous ferez pas croire que vous avez trouvé 16,8 milliards d’euros de recettes nouvelles imprévues. Vous ne ferez pas passer les 5,6 % des recettes escomptées en loi de finances initiale pour une « erreur d’écriture ».

M. Vincent Delahaye. Tout à fait !

M. Pascal Savoldelli. Les annulations de crédits pour certaines missions ont manifestement été surbudgétées au regard des dépenses envisagées.

Lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative, nous avons proposé de voter contre l’ouverture de 1,5 milliard d’euros de crédits au titre des dépenses accidentelles et imprévisibles. Vous les annulez intégralement dans le cadre de ce nouveau texte.

Même constat concernant la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » : 2,1 milliards d’euros sont considérés comme étant de trop, et la majorité sénatoriale portera ce montant, par amendement, à 4,1 milliards d’euros.

En résumé, on n’use ni de vitesse ni de précipitation pour répondre aux difficultés des Français face à l’inflation. Cet argent n’est pas pour eux !

À défaut de prendre la mesure de l’urgence sociale, monsieur le ministre, vous consentez doucereusement quelques euros.

Les prix flambent : le prix des pâtes croît de 50 %, celui du sucre de 29,5 %, celui du café de 62 %… Le Gouvernement finira-t-il pas concéder un chèque pâtes, un chèque sucre, un chèque café ? (Rires sur les travées du groupe CRCE.) Pour l’heure, il s’est cantonné à deux chèques symboliques de 100 euros ponctuels, qui s’apparentent déjà à des chèques préélectoraux.

Rassurons-nous, l’indemnité inflation, remodelée par la majorité sénatoriale, et le chèque énergie n’aggraveront pas le déficit. Cela tient, d’abord, aux recettes nouvelles et aux annulations de crédits. Mieux, ces 4,4 milliards d’euros déboursés pour répondre à l’augmentation massive des prix de l’énergie, les Français les paieront eux-mêmes. Ils les paieront même deux fois.

Pour le gaz, les distributeurs se rattraperont en maintenant leurs prix lors des futures baisses de cours – c’est le « lissage » des prix, version Jean Castex. Pour l’électricité, la baisse des taxes devrait être compensée par l’augmentation des dividendes versés par EDF à l’État. Le chèque énergie, lui, sera financé par les recettes de TVA supplémentaires liées à l’augmentation des prix avant le blocage.

C’est donc un trompe-l’œil, qui revient à faire payer le contribuable pour prétendument épargner le consommateur. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’une augmentation des prix, qu’elle figure sur une facture ou sur une feuille d’impôts, arrive toujours à la même adresse postale !

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste propose, pour sa part, de quadrupler le chèque énergie, en le portant à plus de 32 euros par mois, au lieu de 8,33 euros.

Des choix politiques audacieux doivent répondre aux carences des dispositifs de court terme pris par le Gouvernement. Ce n’est pas aux Français de payer les dividendes des fournisseurs d’énergie : que ceux-ci assument de prendre leur part dans cette situation exceptionnelle !

Ces fournisseurs, d’ailleurs, se sont prévalus de mesures avantageuses, comme le carry back, que nous avions proposé de conditionner au non-versement de dividendes. Ce conditionnement, adopté ici, s’est finalement évaporé à l’occasion de la navette parlementaire.

Nous proposons donc d’instaurer une contribution de 10 % sur les profits dégagés par ces fournisseurs sur l’année 2021. Quelle indignité de faire payer aux usagers des taxes sur les taxes de l’énergie ! (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)

La réponse à la précarité doit s’inscrire dans un programme structurel à long terme. Elle ne peut admettre comme seule réponse des distributions de chèques au gré des cours de marché.

Vous le comprendrez, mes chers collègues : pour toutes ces raisons, et sans faillir à notre esprit de responsabilité, nous voterons contre ce projet de loi de finances rectificative.

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