Un réseau de plus en plus externalisé

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi nous permet, ce qui est trop rarement le cas, de débattre du réseau de l’enseignement du français à l’étranger. Dans le fond, elle tente de répondre à deux enjeux majeurs.

Le premier est celui de la gouvernance. Le réseau connaît une externalisation croissante. Ainsi, sur le quinquennat, si on dénombre 53 établissements supplémentaires, le nombre d’établissements en gestion directe diminue.

Le second sujet d’inquiétude, lié par ailleurs à l’importance prise par les établissements partenaires, est l’augmentation des frais imposés aux familles. En cumulé, le montant de cette augmentation s’élève à d’1,5 milliard d’euros de frais de scolarité, contre une subvention de 417 millions d’euros au réseau, avec des taux de prise en charge par les familles supérieurs dans les établissements en gestion indirecte.

Comment, dans une telle optique, et malgré les aides à la scolarisation, espérer démocratiser l’accès à l’enseignement français à l’étranger ? D’ailleurs, si l’on peut se réjouir que les établissements accueillent une plus grande part d’élèves étrangers, certains parents craignent que l’AEFE ne devienne de plus en plus une « machine à exclure » les élèves français, qui ne représentent aujourd’hui que 37 % des effectifs.

Au vu du contexte, la proposition de doubler la présence des représentants des familles au sein du conseil d’administration de l’AEFE est bienvenue, avec toutefois une réserve : elle risque de restreindre la représentation des personnels, alors même que leur situation mériterait d’être examinée de près et améliorée.

À ce titre, j’insisterai sur deux points.

Le premier est l’augmentation massive et continue du nombre de personnels recrutés en contrat locaux, bien moins protecteurs.

Le second est le choix fait par le réseau de refuser le versement de la prime informatique à ces personnels de droit local, alors qu’ils ont été tout aussi sollicités que leurs collègues durant la pandémie.

Pour en terminer avec la gouvernance, je m’interroge sur la pertinence d’intégrer au sein du conseil d’administration un collège d’anciens élèves au seul motif qu’il s’agit d’anciens élèves.

On a vu apparaître depuis plusieurs années des « réseaux des anciens », des alumni et autres associations. Si les dispositifs mis en place par des anciens élèves ou les établissements eux-mêmes ont un intérêt certain, sont-ils pour autant légitimes à participer à la gouvernance des établissements ? Peut-on imaginer que siégeraient dans tous les conseils d’administration des collèges, des lycées et des universités des élus supplémentaires ayant pour seule qualité d’avoir fréquenté l’établissement concerné ?

J’en viens à la question des instituts régionaux de formation. Depuis le 1er janvier, seize d’entre eux ont été créés dans l’optique de renforcer la formation des personnels des établissements. C’est une mesure utile dans le contexte de l’augmentation espérée du nombre d’élèves, tout comme la proposition qui nous est faite d’en confier la gestion à l’AEFE.

Cela étant, je souhaite me faire une nouvelle fois l’écho des interrogations des familles, en souhaitant que notre collègue autrice de la proposition de loi puisse y répondre et apporter toutes les précisions utiles.

Quel sera le financement de ces instituts régionaux de formation ? Quelles seront les conséquences éventuelles de leur création sur les frais d’écolage, déjà très élevés, et sur le recrutement des personnels ? Faut-il notamment s’attendre à une mutation des fonctionnaires expatriés pour de nouvelles vagues de recrutements de droit local ?

Y aura-t-il aussi des effets sur le déploiement des personnels en place ? Pouvons-nous espérer un remplacement systématique des enseignants partis former ou se former ?

Enfin, quelle sera la place des investisseurs privés dans le processus ? Faut-il voir dans cette évolution une forme de privatisation du réseau, déjà engagée par ailleurs ?

Toutes ces questions méritent d’être posées, sans remettre en cause le bien-fondé de la création des instituts régionaux de formation.

Tout en gardant en tête ces réserves, les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste soutiendront la proposition de loi.

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