Des outils pour dépasser les logiques de dumping social

D’abord, merci aux rapporteurs de la Délégation aux entreprises pour leur travail qui met en lumière les conséquences de l’application des nouvelles normes environnementales, sociales ou de gouvernance sur nos entreprises et en particulier, vis-à-vis des autres pays européens.

Il pointe un grand décalage entre les discours et les actes, entre les objectifs définis et les politiques adoptées.
Ce rapport illustre par exemple que la France est particulièrement mal classée dans le rapport mondial sur le Développement Durable en raison de son niveau élevé d’importations.

Celles-ci représentent la moitié des émissions nationales, dans le bilan carbone de notre pays.
Agir efficacement pour des relocalisations industrielles, comme dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, par exemple, alors que nous sommes dans un état d’hyper-dépendance aux économies du sud-est asiatique notamment, apparaît donc, de ce point de vue aussi, une nécessité.

De même, en 2017, la France a été la première, avec la loi sur le devoir de vigilance, à définir la responsabilité des entreprises, et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et l’environnement dans leur chaine d’approvisionnement.

Mais, le 1er décembre dernier, le Conseil européen a approuvé une Directive qui n’inclut ni l’usage qui est fait des produits commercialisés par les entreprises, ni les activités des clients des entreprises de services, ni les exportations d’armes.

Sous la pression de la France, les banques sont quasiment exclues du champ et les entreprises ne sont pas tenues de cesser leur relation avec un fournisseur qui viole les droits humains, si cela est préjudiciable à leur activité.

Il est urgent d’encadrer de façon stricte l’activité et la responsabilité sociale, économique et environnementale des entreprises multinationales et le rapport de la Délégation aux entreprises présente plusieurs recommandations intéressantes :
 celle visant à renforcer la formation des membres des conseils d’administration et du comité de direction
 ou l’instauration de modules de formation sur les enjeux de RSE pour les étudiants, pour ne citer que celles-ci.
Une responsabilité sociétale des entreprises qui ne doit pas se limiter à la seule lutte contre le réchauffement climatique. Mais inclure les aspects sociaux ou de gouvernance des entreprises, pour devenir mieux une responsabilité sociale des entreprises.

A l’opposé des ordonnances Macron qui ont affaibli les pouvoirs des représentants des salariés dans les entreprises, la consultation du comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise devrait devenir une obligation.

Les salariés pourraient ainsi par exemple s’opposer à des décisions de délocalisation contraires à l’intérêt général ou promouvoir des diversifications de production à même de développer des entreprises.
J’ai en tête l’équipementier Compin, dans l’Eure, qui délocalise des productions, licencie la moitié des salariés de son site d’Evreux, alors même qu’il s’est engagé à le mobiliser pour équiper le matériel ferroviaire financé par la région Normandie.

Afin de mieux valoriser les démarches RSE des entreprises, l’introduction dans le Code de la commande publique d’un droit de préférence pour les offres des entreprises présentant des atouts en la matière, à égalité de prix ou à équivalence d’offre apparait judicieux.

L’accès aux appels d’offre des PME locales doit être une priorité. Cela demande de cesser de promouvoir des collectivités XXL, qui surenchérissent les niveaux d’appel d’offre, les groupements hospitaliers toujours plus gigantesques qui éloignent d’autant TPE et PME de la réponse à ces appels d’offre.
Au contraire, considérer la politique sociale et environnementale des entreprises peut permettre de dépasser les logiques de dumping social.

Nombre de collectivités sont prêtes à jouer pleinement ce rôle. Mais elles-mêmes soumises aux règles européennes de concurrence, prétendue libre et non faussée, sont empêchées d’utiliser comme elles le devraient le levier de la commande publique.

L’Etat doit également donner l’exemple en la matière et ce n’est malheureusement pas toujours le cas.
L’Etat actionnaire, d’abord. Je pense notamment à l’entreprise Renault où il accompagne la stratégie de démantèlement qui menace emplois, sites industriels et nécessaires transitions énergétiques.
Je pense à l’Etat, tout court si vous m’autorisez à le dire ainsi. Se féliciter que les TPE accèdent à l’énergie à un coût de 280€ le MgWh, c’est à dire 5 ou 6 fois supérieur aux coûts de production en France, n’est pas très sérieux.

Vous le savez, nous sommes évidemment diamétralement opposé à un Milton Friedman, qui considérait que l’entreprise a pour seule responsabilité d’accroître son profit.

Mais, à l’inverse, nous considérons que l’Etat, la puissance publique, ont aujourd’hui une responsabilité à l’égard de toutes nos entreprises face aux coûts de l’énergie. Et que le gouvernement n’est pas au rendez-vous sur ce sujet décisif

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