D’une République déconcentrée à une République déconnectée

La promesse était belle : l’acte I de la décentralisation devait modifier la répartition des pouvoirs entre l’État et les collectivités territoriales, donner à celles-ci la maîtrise de leur avenir, rapprocher les administrations des administrés. L’acte II, en 2003, l’a réaffirmée, laissant espérer un enrichissement de la vie démocratique.

Seulement voilà : cette promesse a produit les maux mêmes qu’elle se proposait de combattre. La décentralisation, dénaturée, a entraîné désorganisation et complexification.

Depuis 2010, les évolutions législatives ont encore aggravé les erreurs du passé : recentralisation à marche forcée entre les échelons, sans réflexion sur le service rendu ; recentralisation des ressources, contraignant à faire toujours plus avec moins - et encore, la restriction n’est pas suffisante pour la majorité sénatoriale ; désengagement de l’État des territoires, dans une logique de sauve-qui-peut.

Entre 2012 et 2022, les effectifs des services déconcentrés de l’État se sont réduits de 14 %, soit une baisse de 11 700 ETP. Quand l’administration territoriale de l’État s’affaiblit, ce sont la cohérence, l’égalité et l’unité de la Nation qui disparaissent.

Nous sommes passés d’une République déconcentrée à une République déconnectée. On plaide pour un acte III, mais les pressions austéritaires se font toujours plus fortes. Dès lors, la nouvelle promesse risque de s’avérer un mensonge : on transférera des impératifs de dépenses publiques vers l’échelon territorial, et l’État s’en tirera à bon compte ; nos concitoyens, eux, se sentiront démunis et dépossédés.

L’acte III devrait correspondre à de nouveaux services publics, facteurs d’égalité. L’égalité régit le fonctionnement des services publics, selon l’arrêt du Conseil d’État du 9 mars 1951 : égalité devant les concours, devant l’impôt et les charges, devant le service public lui-même.

Prenons le service de l’eau : 56 % des masses de surface et 33 % des masses souterraines ne sont pas en bon état, au sens du droit européen. Pourtant, tous les échelons sont mobilisés, mais sans cohérence et dans la confusion. La gouvernance de l’eau est un exemple de décentralisation inachevée, comme le souligne la Cour.

Tirons les leçons du passé et relégitimons la démocratie de terrain, une démocratie cohérente, participative et qui lutte contre les inégalités.

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