La « main invisible du marché » jusque dans l’école

La « main invisible du marché » jusque dans l'école

Le seul mérite de cette proposition de loi est de montrer que de véritables projets de société sous-tendent la vision de l’école, dans notre pays. Pour notre part, nous portons une vision clairement de gauche. Celle d’une école ayant pour objectif l’égalité des chances et de la justice sociale.

Celle d’une école qui offre le plus haut niveau de connaissance à des enfants qui deviendront ainsi, quel que soit leur parcours ultérieur, des citoyens et des travailleurs conscients et responsables. Celle d’une école qui apporte plus à ceux dont le patrimoine culturel est moindre, ce qui est intrinsèquement lié à la condition sociale.

Et le temps n’émousse pas cette conviction, au contraire !
Face aux bouleversements technologiques et scientifiques, qui peut résumer l’éducation à un socle minime de connaissances ?

Face aux enjeux démocratiques, qui peut raisonnablement considérer que nos jeunes doivent être plus formés à l’obéissance qu’apprendre à développer leur esprit critique et leur capacité à se forger une opinion solide, éclairée par l’histoire par exemple ?

Eh bien, les auteurs de cette proposition de loi… dont la vision est clairement de droite, et même réactionnaire, la blouse devenant uniforme, l’autorité devenant hiérarchique, le recentrage sur le lire-écrire-compter frappant jusqu’à la formation des enseignants.

La « main invisible du marché », son cortège de concurrence et l’idée selon laquelle seul ce qui serait privé serait efficace ont également pris toutes leurs places dans cette proposition de loi.
Vous n’êtes pas à une contradiction près, chers collègues.

Car votre proposition consiste, de fait, à créer une forme de séparatisme alors qu’il faudrait renforcer l’école de la République. Même à titre expérimental, la contractualisation que vous envisagez conduirait inévitablement à une école à la carte.

D’un service public national motivé par une obligation de moyens alloués par l’Etat nous basculerions vers une myriade d’écoles soumises à des objectifs de résultats locaux, conditionnant l’allocation de budgets.

Assorti de votre parti pris idéologique d’une rééducation massive de la dépense publique, alors même qu’il faudrait considérer l’éducation comme un investissement d’avenir, cela ne pourrait que conduire à une mise en concurrence des établissements ainsi que des disciplines.

Mais la France ne veut pas plus d’école à la carte que d’une République à la carte.
Vous écartez la question des moyens comme réponse au besoin de renforcer l’école de la République, en pointant par exemple l’éducation prioritaire, pour finalement la revendiquer en ruralité aussi.

Ou encore, vous considérez que les sorties scolaires sont des temps de classe hors les murs, mais refusez systématiquement nos propositions pour qu’à ce titre, elle soit encadrées par des

Et, en même temps, plutôt que de faire du soutien scolaire un objectif de l’Education Nationale, avec des moyens de rattrapages, des dispositifs individualisés, vous entendez le laisser dans les mains d’une « réserve éducative », qui ne serait pas soumise aux mêmes exigences que celle en vigueur dans les écoles, collèges et lycées publics, sur le plan de la laïcité comme sur les autres.

Inévitablement, cette mission pèsera sur les collectivités territoriales qui n’en demandent pas tant. Tout particulièrement celles qui parce que leurs habitants rencontrent davantage de difficultés sociales, culturelles et scolaires, en font déjà beaucoup plus que d’autres en matière éducative.

Vos prétendus remèdes aux maux que connaît l’école aujourd’hui sont finalement pire que le mal. Notre pays en fait déjà l’expérience. Depuis 1989, l’autonomie des Établissements Publics Locaux d’Enseignement n’a cessé de croître. Cela a-t-il permis de résorber les inégalités comme vous le déclarez ? Absolument pas.

La réforme du lycée, l’une des dernières en date conduite au nom de cette volonté « d’offrir des marges de choix et de la liberté », les renforce.

Vous le savez-vous qui avez, comme moi, dans vos départements, des lycées offrant tous les enseignements de spécialité ou presque quand d’autres se contentent du minimum. Les uns étant plutôt situés dans l’hyper-centre des grandes métropoles, les autres se trouvant plutôt dans les quartiers populaires ou les zones rurales.

Pensez-vous vraiment que c’est en faisant porter les responsabilités de l’ensemble de l’institution sur les agents de première ligne, qu’on parviendra à faire face à la crise de recrutement d’enseignants que nous connaissons actuellement ? Poser la question c’est y répondre.

Quant aux « contrats de missions », censés conduire les enseignants les plus expérimentés à exercer dans les zones les plus difficiles, leur échec risque d’être aussi patent que celui du dispositif ÉCLAIR dont il sont en parfaite filiation.

Cette proposition de loi est dangereuse. Nous la combattrons.

Cette proposition de loi "pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité" a été adoptée mardi 11 avril par 220 voix contre 118.

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