La question industrielle au défi écologique

Décarboner notre industrie et créer les conditions de la souveraineté technologique française sont des objectifs qui revêtent un caractère d’urgence. Le réchauffement climatique ne cesse de nous le rappeler au gré des phénomènes climatiques extrêmes qui depuis quelques années, sont devenus la norme.

L’enjeu est colossal. La question industrielle est aujourd’hui au croisement de tous les défis, soient-ils sociaux, environnementaux, technologiques, et les crises mondiales qui se sont succédé nous l’ont démontré.
Lorsqu’en pleine crise sanitaire, la France, le pays de Sanofi, s’est trouvée face à d’importantes pénuries de médicaments, qui perdurent toujours.

Lorsqu’en pleine crise géopolitique, avec la guerre déclarée à l’Ukraine par la Russie, la France, et toute l’Europe, font face à une pénurie accrue de composants électroniques, qui sévissait déjà durant la crise sanitaire.

Ce constat pose des questions de fond, sur des modèles économiques qui ont atteint leur limite face aux immenses défis qui attendent nos sociétés. La souveraineté européenne, ne peut être acquise par les seules lois du marché, où la liberté d’entreprendre et d’investir règneraient en maître sur l’économie, sans contreparties ni maîtrise publique.

La Chine et les Etats-Unis, dont nous dépendons technologiquement, se sont toujours distingués de ce fonctionnement. L’IRA, adopté cet hiver par nos voisins Outre-Atlantique, en est l’exemple le plus récent.
Plus de 400 milliards d’euros ont été injectés dans l’économie locale, pour doper la production états-unienne de semi-conducteurs et construire à domicile. Le levier utilisé par les Etats-Unis, n’est ni la liberté d’entreprendre, ni la liberté d’investir.

C’est bien le soutien à la consommation des ménages qui est au cœur de ce plan, et une conditionnalité des aides publiques à l’achat de produits issus du territoire. A court terme, les Etats Unis débloquent des aides d’Etat ; à long terme, ils s’assurent une souveraineté technologique, industrielle, et énergétique.

La réponse européenne s’est faite timide face à l’IRA. Par le règlement européen NZIA, quelques aides d’Etat seront autorisées, mais le maître-mot et l’objectif restent axés sur le court terme : attirer les investisseurs, sans réellement poser les bases de leur installation pérenne.

Le projet de loi que nous examinons est une émanation de ce règlement, qui ne fait en réalité que reprendre les recettes habituelles qui n’ont guéri aucun des maux industriels français. Un nouveau crédit d’impôt est sur les rails, là encore des cadeaux fiscaux sans contrepartie qui n’empêcheront pas les délocalisations.

Aucun bilan concret n’est tiré de cette politique qui a été la vôtre, dans la continuité de vos prédécesseurs. Quant aux parfaits coupables, ils sont tous trouvés : les délais administratifs, et les objectifs environnementaux de la France seraient les seuls responsables du retard industriel français.

Face à un Président de la République qui appelle à une pause réglementaire européenne, le groupe CRCE appelle à poser les bonnes questions. Combien de milliards d’euros d’exonérations fiscales aux entreprises ont été accordées, pour combien de créations nettes d’emploi ?

Comment ce texte entend-il sécuriser la production en France, empêcher les délocalisations et les réductions des activités dites moins rentables, comme la recherche et le développement ?
Monsieur le Ministre, les objectifs de réindustrialisation doivent être clairs : quelles usines, quelles filières, et quels emplois pour la France ?

La question que pose ce texte, ce n’est pas celle de l’industrie verte, c’est plutôt celle de l’industrie de l’énergie verte. Mais qu’adviendra-t-il de notre industrie en général, et de sa décarbonation ?

Pourquoi ne pas commencer par donner de la force à l’existant, comme Photowatt, filiale d’EDF qui construit des panneaux solaires, pourquoi continuer à approvisionner la France en panneaux solaires chinois ?

Autre aspect essentiel, complètement absent dans ce texte : la formation, mise à mal par vos réformes austéritaires, et sans laquelle le pays ne développera aucun des savoir-faire techniques et technologiques qui conditionnent toute reprise industrielle.

Quant aux droits des travailleurs et travailleuses, que ce gouvernement a malmenés en leur imposant une réforme des retraites injuste et largement impopulaire, ils doivent être protégés, renforcés, dans toute la chaîne de production, des donneurs d’ordres aux sous-traitants.

Là encore, votre texte ne mentionne aucun engagement ni condition publique en matière d’emploi.
Nous combattons, Monsieur le Ministre, l’idée que des incitations fiscales suffiraient à réindustrialiser le pays, tout comme nous rejetons toute vision dans laquelle la protection de l’environnement ne serait qu’une variable d’ajustement de l’économie.

Nous vous ferons des propositions pour enrichir le texte, et conditionnerons notre vote au traitement qui sera réservé à nos amendements.

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