Bureau régional de la Banque Mondiale

Intervention de Robert Bret au Conseil municipal de Marseille

Monsieur le Maire,
Chers Collègues,

La délibération qu’il nous est demandé d’approuver aujourd’hui concerne une autorisation de programme d’un montant de 698 000 euros (TTC), soit 4,5 Millions de francs, en vue d’accueillir à Marseille dès la fin 2003, le bureau régional de la Banque Mondiale.

Cette délibération, qui fait suite à la délibération votée le 24 juin dernier qui a mis à disposition la Villa Valmer, n’est pas sans poser question.
Au total, avec les 160 000 euros dépensés pour l’étude de ce projet, ce sont 858 000 euros dépensés, soit 5,5 millions de francs.

Monsieur le Maire,
S’il est vrai qu’un des paramètres permettant de mesurer, au plan international, le dynamisme d’une Métropole peut s’apprécier en fonction du nombre d’implantation d’organisations internationales comme le Conseil Mondial de l’eau ou encore la Banque Mondiale, nous pouvons aussi nous interroger sur leur utilité et leur efficacité compte tenu du coût que cela représente pour les contribuables.

Du récent colloque organisé par la Banque Mondiale au Pharo et auquel j’ai pu participer, il ressort que l’objectif affiché avec ce bureau régional est de jouer un rôle plus conséquent dans les partenariats économiques entre la rive Nord et la rive Sud de la Méditerranée. Très bien, qui pourrait être contre un tel objectif ?

En effet, nous n’avons pas seulement une mer commune « Mare nostrum » avec ces pays, nous avons aussi un destin commun depuis des siècles. Le déclin économique et social de ces pays signifierait notre propre déclin avec celui des autres pays méditerranéens de l’Union européenne.

L’élargissement de l’Europe vers l’Est ne doit pas se faire au détriment du Sud de l’Europe. D’où l’enjeu de redynamiser le partenariat euro-méditerranéen pour en faire - comme c’est écrit dans l’acte fondateur - une zone de prospérité partagée.
Quelle est la vocation de la Banque Mondiale pour contribuer à un tel objectif ?

Il faut savoir que la Banque Mondiale, comme le Fonds Monétaire International (FMI), ne prêtent aujourd’hui de l’argent qu’à des pays dont la situation macro-économique est saine. Ce n’est donc pas un outil de coopération.

Saine pour la Banque Mondiale, au sens de la libre concurrence et des besoins des marchés financiers au plan international. Au nom de la modernité, 1 500 milliards de dollars vont et viennent chaque jour sur le marché des changes à la recherche du profit instantané, sans rapport la plupart du temps avec l’état de la production et du commerce des biens et des services.

Cette mondialisation financière aggrave l’insécurité économique et les inégalités sociales. L’évolution même des sociétés paraît échapper à toute logique, les repères se troublent. Une telle situation, on le sait, nourrit la peur du lendemain, entraîne des mécanismes de repliement identitaire, exacerbe les haines, fait enfin le terreau des intégrismes et du populisme sous toutes ses formes.

Chers Collègues,
Si notre objectif est de développer plus de coopérations Nord-Sud, des coopérations mutuellement avantageuses pour les peuples et les Nations - je rappelle que 80% des richesses aujourd’hui sont concentrées dans 20% des pays de la planète - il est impératif d’une part de construire l’Europe sur une base qui ne doit pas seulement être économique mais sociale, et d’autre part de réformer ces organismes qui, comme la Banque Mondiale, échappent de plus à tout contrôle, à toute régulation au plan national, européen et international.
Cela pose une question de fond.
A la mondialisation financière, n’est-il pas temps d’opposer une mondialisation de droit ? Quel point d’équilibre nous faut-il trouver entre le droit de l’économie et les droits humains des peuples, comme droits universels sur des valeurs partagées ?

Au moment où la ville de Marseille s’apprête à accueillir le bureau régional de la Banque Mondiale, notre groupe a souhaité poser le débat de fond. Comme élus, nous ne pouvons nous y dérober, sauf si nous voulons laisser penser à nos concitoyens que les politiques « bottent en touche » et qu’ils se déclarent impuissants face à ceux qui détiennent le pouvoir économique et qui sont tout-puissants aujourd’hui. Se dérober à ce débat de fond ne pourrait que renforcer le fossé qui s’est creusé ces 20 dernières années entre les citoyens et les politiques. Le 21 avril dernier a démontré la profondeur de cette crise.

Monsieur le Maire,
Mes Chers Collègues,
Même si ce n’est pas le but recherché, l’installation à la Villa Valmer de ce bureau régional de la Banque Mondiale aura au moins l’intérêt de « localiser », de rendre plus proches, les enjeux planétaires qui apparaissent d’habitude peu lisibles à nos concitoyens et de ce fait de les rendre plus accessibles au plus grand nombre pour pouvoir peser sur le cours des choses et pour construire demain une économie au service des hommes.

Pour cela, Monsieur le Maire, merci !
Mais, pour les fonds publics accordés et le cadeau de mariage, la Villa Valmer - fleuron de notre ville offerte à la Banque Mondiale - vous avez bien compris que nous ne pouvons partager ce choix avec vous. D’autant que nous n’en connaissons toujours pas les modalités exactes ; les deux délibérations étant en la matière des plus floues.
Une convention a-t-elle par ailleurs été passée et si oui pourquoi n’en dispose-t-on pas ?

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