Secteur de l’énergie, GDF-Suez : conclusions de la commission mixte paritaire

Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

Alors que 5 millions de foyers ont subi une panne d’électricité de plusieurs heures samedi dernier, montrant ainsi la réalité des questions d’indépendance énergétique, la commission mixte paritaire s’est réunie le mercredi suivant et a tranquillement décidé d’entériner un projet de loi visant à privatiser Gaz de France et à libéraliser à terme l’ensemble du secteur de l’énergie.

Les discussions en commission mixte paritaire se sont concentrées sur des problèmes secondaires alors même que les dispositions les plus graves ont été validées sans difficulté.
Ainsi la discussion sur articles prévoyant l’éligibilité de tous les consommateurs d’électricité et de gaz aux tarifs du marché paraissait superflue. En revanche il est éminemment important de discuter sur la composition de la Commission de régulation de l’énergie ou sur le rôle du médiateur. Remarquez que la libéralisation su secteur sera certainement une source inépuisable de contentieux.
En bref, la majorité n’a pas entendu empêcher la privatisation de GDF, alors même qu’un amendement de l’opposition l’a encore proposé, comme elle n’a pas souhaité tenir compte des dangers engendrés pour nos concitoyens et notre économie par la libéralisation du secteur énergétique.

Nous sommes très inquiets des conséquences de la démission de l’Etat au regard de la politique énergétique.

Alors que la garantie de l’indépendance énergétique de notre pays devrait être l’objectif, tout est fait pour saborder les opérateurs historiques GDF et EDF. Car ne nous y trompons pas, c’est bien de la préparation de la privatisation totale du secteur énergétique dont on parle.

En effet, ceux qui soutiennent, aujourd’hui, une telle privatisation votaient voilà seulement deux ans le maintien de l’État dans le capital de GDF-EDF à hauteur de 70 %.
Et ceux-là mêmes soutiendront demain, si les français leur en laissent la possibilité, la privatisation d’EDF.

Au contraire, nous restons persuadés que d’une part la politique énergétique nécessite des outils de service public contrôlés par l’Etat, seuls à même d’assurer la continuité, la sécurité du service ainsi que la solidarité nationale.

D’autre part la conduite de la politique énergétique exige une présence étatique forte sur le plan international afin d’avoir les moyens politiques pour préserver l’équilibre assuré par les contrats énergétiques à long terme.
Or, en asservissant les secteurs de l’électricité et du gaz au libre échange et à la rentabilité à court terme, le Gouvernement place les pouvoirs publics en dehors de la sphère des décisions énergétiques au niveau français, européen, et international.

De plus, les impératifs de rémunération du capital et de satisfaction des intérêts privés ne manqueront pas d’entraîner une hausse des prix qui échappera totalement au contrôle de l’Etat. Vous savez très bien que la recherche de la création de valeur pour les actionnaires est totalement inconciliable avec les missions d’intérêt général inhérentes au service public de l’énergie.

Le bilan des conséquences de la libéralisation des marchés de l’énergie demandé à de multiples reprises ne sera jamais établi. Il témoignerait pourtant des conséquences désastreuses en terme d’emplois supprimés ou précarisés, de rupture d’approvisionnement, de hausse des tarifs etc.
Remarquez que sur ce dernier point les entreprises ont déjà fait les frais de votre politique !

Comment pouvez-vous soutenir Monsieur le ministre, que la libéralisation entraîne la baisse des prix alors que l’écart entre les prix du marché et les tarifs réglementés pour l’électricité vient d’atteindre 61 % et, enfin, que les entreprises ont subi des augmentations de 70 % à 100 % de leur facture électrique depuis trois ans ? A ce titre nous vous reposons la question, à moins de prendre nos concitoyens pour de piètres gestionnaires pourquoi ne pas permettre aux consommateurs ayant exercé leur éligibilité de revenir aux tarifs réglementés. Pourquoi poser une telle interdiction si les tarifs du marché sont tellement avantageux ?

Vous proposez un tarif transitoire de retour, signe manifeste de votre échec. Et comble de comble, au lieu d’écouter la raison et de mettre un terme à la libéralisation du secteur énergétique, vous prévoyez que son financement sera assuré par EDF ! Cette compensation ne manquera d’ailleurs pas de se répercuter sur les usagers domestiques et les PME !
Quel est le projet ? Fragiliser l’entreprise publique pour mieux la brader dans quelque temps ?

En ce qui concerne le maintien des tarifs réglementés. Dans un contexte de libéralisation totale du marché ce maintien est un mythe que vous entretenez pour adoucir la destruction programmée du service public de l’énergie. Cet affichage ne trompe personne ! Quand on voit la volonté sur les plans national et européen d’alignement des tarifs réglementés sur ceux du marché, entreprise facilitée par l’absence de transparence et de contrôle sur la formation des tarifs réglementés. D’ailleurs les tarifs réglementés sont au banc des accusés de la lettre de griefs du Commissaire chargé de la concurrence. Et comme il semblerait que ce soit elle qui dicte la loi !

Autre mesure sur laquelle je voudrais revenir tant son insuffisance est criante : la tarification de solidarité. Je ne reviendrais pas sur la question des critères d’éligibilité que vous avez encore balayée d’un revers de main alors qu’un amendement de l’opposition en Commission mixte paritaire proposait un certain nombre d’améliorations. Non je voudrais juste attirer votre attention sur l’hiver qui est là, sur les expulsions qui se sont précipitées avant la trêve hivernale, sur la multiplication des personnes qui ne peuvent plus vivre de leur travail, sur la nécessité d’assurer à tous un toit et un chauffage. Le droit à l’énergie pour tous doit être garanti par les pouvoirs publics en raison des enjeux vitaux pour les personnes concernées. La tarification sociale dans un contexte de libéralisation totale du service public de l’énergie et de désengagement de l’Etat ne sera pas suffisante pour faire face à la misère grandissante en France et pour mettre fin aux conditions de vie déplorables des plus démunis.

En démantelant les entreprises publiques qui s’étaient construites sous la forme d’entreprises intégrées, qui pouvaient réduire les coûts de production et permettre des péréquations entre leurs activités, pour construire un service public efficace. Vous allez encore accroître les inégalités sociales.
A ce titre la fin de la péréquation tarifaire nationale signe la mise à mort du principe même de péréquation et de solidarité nationale.

Le service public de l’énergie français est un des plus performants au monde. Gaz De France est une entreprise qui se porte bien et qui n’avait aucunement besoin du soutien de Suez pour survivre.
D’ailleurs après la satisfaction des concessions demandées par Bruxelles vos arguments justifiant la fusion n’ont plus aucun sens ! Votre entêtement n’aboutira qu’à la destruction d’un outil qui a fait ses preuves et qui assurait la sécurité de l’approvisionnement, sa continuité, la sécurité des installations, le droit d’accès à l’énergie pour tous. Se faisant, vous remettez en cause les investissements nécessaires pour satisfaire les besoins énergétiques nationaux de demain.
En raisons des risques de la libéralisation totale du secteur énergétique, et parce que nous pensons que la mise en ouvre de la politique énergétique nécessite un maintien et un renforcement des outils publics au niveau national et européen, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce texte.

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