VISITE DE L’ETABLISSEMENT PENITENTIAIRE POUR MINEURS (EPM)

VISITE DE L'ETABLISSEMENT PENITENTIAIRE POUR MINEURS (EPM) (Aloïs Moubax - https://www.pexels.com/fr-fr/@aloismoubax)

Avec l’arrivée, le 5 novembre 2007, des premiers jeunes à l’EPM de La Valentine, la boucle est bouclée. On parachève là l’enfermement comme réponse aux mineurs en difficultés ayant commis un délit.

Les EPM résultent de la loi d’orientation et de programmation pour la Justice du 9 septembre 2002
Idéologiquement ils résultent d’une surenchère sécuritaire au détriment d’une politique de prévention, d’éducation en direction de jeunes avant tout victimes de la violence sociale (exclusion, chômage, précarité, logement dégradé etc...)

C’est un choix politique, celui du Gouvernement avec ses lois dites PERBEN I et II doublées des lois SARKOZY. Depuis 2002, 5 lois ont été votées pour durcir la législation pénale des mineurs. Lois Perben de 2002 et 2004, loi sur la récidive de 2005, celle sur la prévention de la délinquance de mars 2007, celle des peines planchers en juillet 2007.
C’est également un constat d’échec. Car une société qui ne propose, comme moyen de lutte contre la délinquance, qu’un durcissement de la politique pénale à l’égard des mineurs et une augmentation du nombre de cellules, est une société dans l’impasse.

Baisse de l’âge de l’incarcération préventive en matière correctionnelle, mise en place des Centres Educatifs Fermés pour les mineurs multirécidivistes sous contrôle judiciaire et construction des EPM, 7 au total, pour les mineurs condamnés ou prévenus.
Alors que l’enfermement d’un mineur doit rester exceptionnel, et que sa privation de liberté ne peut être qu’une solution à court terme, tout le système se restructure autour du répressif et de la prison, qui contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, n’est pas l’ultime solution, mais bien un des outils répressifs possibles.
Renforcer la prévention de la délinquance juvénile passe notamment par la lutte contre l’échec scolaire, l’illettrisme, les violences scolaires, les violences familiales ainsi que par l’amélioration de la santé publique envers les enfants et les adolescents. Sans nier la nécessité de séparer les mineurs des majeurs au sein des établissements pénitentiaires, il est inquiétant d’assister au projet de société qui est en train de se dessiner à l’horizon. Une telle politique est en parfaite contradiction avec les conclusions des deux rapports d’enquêtes parlementaires auxquelles « j’ai pu assister ».
La première sur les conditions de détention en France qui concluait qu’il fallait incarcérer moins pour incarcérer mieux ; la seconde sur la délinquance des mineurs qui insistait sur le volet éducatif de l’ordonnance de 1945. Alors même que chacun s’accorde à dire que la prison est une école de la récidive, qu’il convient de privilégier les peines alternatives et multiplier les libérations conditionnelles, le gouvernement fonce tête baissée vers le « tout-sécuritaire » et le « tout-carcéral ».

C’est là une remise en cause totale de l’Ordonnance de 1945 qui permet d’apporter des réponses éducatives adaptées à la singularité de chaque jeune pris en charge. C’est aussi une remise en cause des missions de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ).

Pour l’heure, quelques jeunes « inaugurent » le site dont la capacité d’accueil est de 60 places. Comment ne pas penser que cet espace libre ne va susciter une augmentation des condamnations à des peines de prison ferme, tant on sait qu’on remplit toujours le vide ?
Sans conteste, le Gouvernement opte pour une solution de facilité, d’affichage politique, sans se soucier de l’efficacité en matière de prévention et de lutte contre la délinquance, sur le long terme.
Il mène ainsi une véritable politique de répression, d’enfermement et d’exclusion sans aucun traitement social de fond de la délinquance alors que l’on sait que la délinquance prend racine dans l’aggravation des inégalités sociales : avec d’un côté la marginalisation, la précarisation, la dégradation de l’habitat, l’échec scolaire, la mal-vie, et de l’autre l’accumulation des richesses.
Là encore quel échec !
Car comment croire, qu’avec l’enfermement des jeunes délinquants et la contrainte on va pouvoir « réparer » ou « redresser » en 3 mois des enfances brisées par bien souvent par de multiples problèmes d’ordre affectif, psychologique, social, auxquels il faut rajouter de fortes carences éducatives, au sein de familles déstructurées, elles-mêmes en grande difficulté ?

A l’opposé de cette politique, si l’on veut vraiment apporter des réponses à la montée de la délinquance parmi les mineurs, il est indispensable tout d’abord d’établir un lien avec la détérioration sociale de ces 15 dernières années : chômage, précarité, pauvreté, détérioration des conditions de vie et plus particulièrement de l’habitat.

Et il convient de réorienter la politique de la ville, dont les objectifs n’ont pas été atteints, pour rationaliser les procédures et dispositifs existants en vue d’une plus grande cohérence et démontrer ainsi leur efficacité.
Il convient aussi de responsabiliser et de soutenir les familles en grandes difficultés car la famille a toujours un rôle déterminant dans l’éducation des enfants.

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