Atteintes aux libertés syndicales

par Yves Coquelle

M. COQUELLE. - Depuis la rentrée, des vagues de licenciements et de fermetures d’entreprises se succèdent dans plus d’une centaine d’entreprises. Le Pas-de-Calais, département massivement touché par la crise économique, n’échappe pas à la règle. Le taux de chômage, dans de nombreuses communes du bassin minier, dépasse 25 % de la population active.

Depuis quelques mois, des annonces de fermeture d’entreprises assombrissent, encore un peu plus, le paysage : Sollac-Biache, plus de 400 emplois supprimés ; la cokerie de Drocourt, 450 suppressions d’emplois directes, sans compter les très nombreux emplois induits ; Metaleurop, plus de 500 suppressions, en attendant une inéluctable liquidation qui privera d’emploi plus de 1 000 personnes ; Alcatel à Douvrin 450 licenciements et, Samsonite à Hénin Beaumont près de 200.

À ces suppressions d’emplois, s’ajoutent de très nombreuses fermetures de sites effectives ou envisagées à court terme, comme Inergy à Grenay, l’entreprise Mossley, Testut à Béthune, Lu à Calais, Solectron à Longuenesse, sans oublier les lourdes menaces qui pèsent sur la cristallerie d’Arques.

Cette liste est malheureusement bien loin d’être exhaustive, et la situation est d’autant plus inquiétante qu’aucune création d’emploi sérieuse et durable n’est envisagée. Cette spirale infernale inquiète les élus locaux déjà préoccupés par le contexte socio-économique général désastreux.

Face à cette situation dramatique, les ouvriers et les salariés se battent pour préserver leur outil de travail, seul moyen de subsistance. Il est concevable et compréhensible que, poussés par l’énergie du désespoir, leurs luttes soient fortes et déterminées.

Or, dans notre département, depuis quelques mois, nous assistons à une attaque en règle contre les libertés syndicales.

Ainsi, à Sollac-Biache, à Alcatel Douvrin ou à Bertelomann, à Noyelles-sous-Lens, de très nombreux délégués syndicaux ou syndicalistes sont actuellement en procédure de licenciement pour fautes lourdes alors qu’ils ne font que défendre leur outil de travail et l’emploi de leurs camarades.

À défaut de faire respecter le principe fondamental du droit au travail, vous devez, monsieur le Ministre, faire respecter la simple, mais toute aussi fondamentale, liberté syndicale. Le patronat ne doit pas être encouragé dans sa politique antisociale par votre attitude passive. Il est du devoir du gouvernement Raffarin qui se réfère souvent à la France « d’en bas » de montrer dans ses actes que ses propos correspondent à sa politique.

Quelles mesures concrètes, allez-vous prendre pour que cessent, ces licenciements et ces attaques contre les libertés syndicales ?

M. FALCO, secrétaire d’État. - Le gouvernement se réfère effectivement souvent à la France d’en bas et il a bien raison ! N’en suis-je pas moi-même une parfaite émanation puisque je suis élu du sud de la France, qui se trouve en bas ? (Exclamations sur les bancs C.R.C.)

M. ABOUT. - C’est la France qui chante ! (Sourires.)

M. FALCO, secrétaire d’État. - Les suppressions d’emplois et les fermetures de sites donnent lieu à des actions collectives de protestation des salariés. À cette occasion, des actes considérés, par les employeurs, comme constitutifs de fautes lourdes peuvent conduire à la mise en œuvre de procédures de licenciement contre des délégués syndicaux.

Le Code du travail, dans ce domaine particulièrement sensible, contient plusieurs dispositions protégeant l’exercice du droit syndical dans l’entreprise. Il donne la possibilité aux organisations syndicales de saisir le juge en lieu et place d’un salarié victime de discrimination. Il consacre le rôle des inspecteurs du travail en matière de discrimination dans le contrôle lié aux sanctions et il rend obligatoire l’autorisation préalable au licenciement des représentants du personnel.

L’ensemble de ces dispositions permet de garantir l’exercice normal du droit syndical.

Par ailleurs, l’article L. 122-45 du Code du travail dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de ses activités syndicales ou en raison de l’exercice normal du droit de grève. Il pose ainsi le principe de la nullité de toute sanction prise à l’égard d’un salarié pour un tel motif, et du droit à réintégration du salarié en cas d’un licenciement qui interviendrait en raison de ses activités syndicales ou de l’exercice normal du droit de grève.

Enfin, la liberté syndicale et l’exercice du droit de grève doivent se concilier avec les autres droits garantis par la loi. Ils ne peuvent justifier des actes de violence sur les personnes, ni les détériorations des installations. De tels actes illicites mettent en cause la responsabilité de leurs auteurs, avec toutes les conséquences judiciaires qui s’y attachent.

Les services du ministère, notamment les inspecteurs du travail doivent être particulièrement attentifs à la bonne application des textes. (Ap- plaudissements à droite.)

M. LONGUET. - Très bien.

M. COQUELLE. - Cette réponse ne me satisfait guère. Je le sais par expérience, comme ancien militant : souvent, l’action précède la loi, pour faire respecter la classe ouvrière et dans une situation désespérée comme celle d’aujourd’hui, les salariés n’ont plus d’autre possibilité dès lors que la direction refuse de s’asseoir autour de la table pour négocier. C’est ainsi, par l’action, que les conquêtes sociales ont été obtenues par les travailleurs. Elles sont aujourd’hui remises en cause, malheureusement, et il faut s’attendre à des actions, à commencer par la manifestation qui aura lieu demain à Lille ; je ne manquerai pas de rapporter vos propos aux participants.

M. FALCO, secrétaire d’État. - Mes propos ne condamnent nullement l’action syndicale ! Nous demandons aux inspecteurs du travail de protéger les droits des salariés. Mais détérioration n’est pas action !

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