Suite a sa visite du CRA de Nîmes, Robert BRET interpelle le Contrôleur Général des lieux de privation de liberté

Suite a sa visite du CRA de Nîmes, Robert BRET interpelle le Contrôleur Général des lieux de privation de liberté (Airam Dato-on - https://unsplash.com/@airamdatoon)

M. Jean-Marie DELARUE
Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Monsieur le Contrôleur Général,

Au travers quelques exemples précis, je souhaite soumettre à vos avis et recommandations les conditions de rétention, lesquelles me semblent bien souvent litigieuses, des étrangers arrêtés en France à qui il n’est reproché que le défaut de papier, piètre délit in fine au regard de toutes les exactions dont est chargée la justice.

Ainsi, le 27 juin dernier, répondant à l’appel d’élus du Conseil régional Languedoc Roussillon et de la Cimade, incitant les parlementaires à user de leur droit de visite dans les établissements pénitentiaires et de rétention, je me suis rendu au centre de rétention administratif (CRA) de Nîmes afin de dresser le constat des conditions d’arrivée de 100 des sans papiers du CRA de Vincennes transférés en province à l’issue de l’incendie ainsi que de leurs conditions de rétention.

Au-delà de la visite des locaux et de la coopération efficace du Directeur, j’ai pu rencontrer trois retenus qui m’ont fait part de leur sentiment. Ainsi, selon eux, des incidents étaient prévisibles. En effet, eu égard la surpopulation, le sentiment d’injustice dû à leur rétention, la tension montait peu à peu au CRA de Vincennes. Et le décès d’un des leurs a été ressenti comme consécutif d’une négligence, d’un manque d’intérêt, d’un manque d’humanité.
D’où le départ des incidents sans savoir exactement par qui ? par où ? s’est déclenché l’incendie. D’autant qu’il semblerait que personne ne dispose de briquet ou d’allumettes en rétention.
Mais pour plus d’informations en la matière, je joins à la présente copie du compte-rendu de cette visite et vous demande de bien vouloir vous intéresser aux conditions rétention et de transfert (interminables attentes, absence d’information, interdiction de boire ou de s’allonger sans le train) de ces personnes.

J’insiste parce que déjà en décembre 2006, en ma qualité de parlementaire, je saisissais la CNDS des conditions de rétention dans le CRA du Canet à Marseille, suite au décès par pendaison de M. Kazim KUSTÜL, jeune turc de 22 ans.
A travers ce drame, mon propos était de dénoncer des conditions de rétention telles qu’elles peuvent conduire au suicide. D’ailleurs, depuis ce 1er décembre 2006, d’autres tentatives de suicide ont eu lieu au CRA du Canet, certaines ont pu être évitées, pas toutes.

Malheureusement, les conditions de rétention n’ont pas été prises en considération par le Président de la CNDS, comme vous pourrez le constater à la lecture de la pièce jointe, lequel s’est surtout attaché à la situation administrative de ce jeune homme.

Or, ce qui était vrai à l’époque, l’est encore plus aujourd’hui. Ce dont on avait connaissance à Marseille, s’avère se produire dans nombre de centres de rétention. Le Canet, Vincennes, Mesnil-Amelot...
Mouvement de résistance, grèves de la faim tant la nourriture est mauvaise, automutilations, débuts d’incendie...pour dénoncer des violences physiques, injures, mépris, absence de soin, attaques au Taser...

Enfin, je viens de recevoir les avis et recommandations émis par la CNDS que j’avais saisie à la demande de la Cimade de Nice pour le cas d’un retenu équatorien opéré en urgence d’une hernie testiculaire.
Menotté aux barreaux du lit, sans accès au téléphone, privé un long moment de ses lunettes, ne bénéficiant d’aucune intimité même pour aller aux toilettes, ni d’aucune information sur son état de santé ou sur les suites post opératoires car sans interprète italien ou espagnol, force est de reconnaître qu’aucun de ses droits élémentaires n’a été respecté.
En outre, il a été transféré dans des conditions que trop éloignées du minimum sanitaire et renvoyé en Equateur à peine rétabli de l’intervention chirurgicale. Dans le cas présent, on peut parler sans exagérer de violences physiques et morales.

Marseille, Vincennes, Nice...il ne s’agit pas d’un malencontreux accident, pas plus qu’il ne peut être question de hasard.

Autant de manquements, voire de dérapages pouvant aller jusqu’aux violences physiques, qui corroborent mes inquiétudes et nécessitent, à mon sens, une enquête visant à vérifier que les droits fondamentaux des personnes privées de liberté n’en sont pas moins respectés et de vérifier leurs conditions de prise en charge.

Véritable prison, lorsqu’il s’agirait somme tout d’accueillir dans des conditions « hôtelières » des personnes en attente de retour dans leur pays, les centres de rétention sont des « usines » à expulsion où trop d’incidents impliquent des conditions de rétention alarmantes.
C’est la raison pour laquelle l’intervention du contrôleur général des lieux de privation de liberté m’apparaît hautement nécessaire.

Vous remerciant par avance pour l’intérêt que vous ne manquerez pas de porter à la présente requête,

Je vous prie de croire, Monsieur le Contrôleur Général, à l’assurance de mes respectueuses salutations.

PJ/ compte-rendu de la visite du CRA de Nîmes
saisine et réponse de la CNDS suite au suicide du jeune kurde
saisine et réponse de la CNDS suite aux conditions d’hospitalisation d’un équatorien

Retour en haut