Financement de la lutte contre le sida

par Robert Bret

Le suspense concernant la nomination du nouveau président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) a pris fin avec la nomination du docteur Jayle, mais quelles sont les intentions financières du gouvernement en matière de prévention ?

Lors de la présentation du budget du ministère de la Santé, M. Mattei a annoncé que son « objectif était de développer une véritable culture de la prévention car nous ne sommes pas forts dans ce domaine » et que les programmes de santé publique ciblés sur la prévention, entre autres du sida, allaient ainsi augmenter de 30 %. Or, à ce jour, les dispositifs financiers destinés aux associations de prévention et de lutte contre le sida n’augurent rien de bon.

Au printemps dernier, nous pouvions déjà constater les lourdes répercussions occasionnées par le gel républicain. Les associations de prévention et de lutte contre le sida se sont retrouvées dans une situation précaire entraînant déprogrammation d’actions de prévention, non paiement de certains salariés, voire chômage technique pour quelques intervenants. Par la suite, on a appris que le budget de la MILDT baisserait de 12,2 % en 2003. Et je ne parlerai pas de la lourdeur des procédures administratives, de l’opacité des conditions d’attribution, des retards systématiques de paiement entraînant agios et autres pénalités. Il est inadmissible que l’argent public aille aux banques pour leur payer des frais financiers. Dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, cela représente 6 millions d’euros par an, soit la moitié du budget du F.A.S.

Chaque année, on doit en outre redémarrer à zéro avec des appels d’offre. Comment agir efficacement avec une perspective d’un an seulement ?

Malgré tout, les associations maintiennent tant bien que mal leurs actions, aux prix d’une volonté de fer et de multiples démarches qui les éloignent parfois du travail sur le terrain. Pour sortir de l’incertitude chronique sur le financement, ne pourrait-on créer un fonds de garantie propre à financer sereinement et scrupuleusement ce combat ?

Mme BOISSEAU, secrétaire d’État. - L’affection par le V.I.H. reste évolutive avec de fortes disparités. La lutte contre l’épidémie reste à l’ordre du jour : la part des femmes s’accroît, surtout parmi les migrants. La fréquence demeure élevée chez les homosexuels, les drogués et certains groupes d’immigrés. Aux Antilles et en Guyane, la dynamique est très préoccupante, comme dans les pays en voie de développement.

Une grande vigilance reste donc de mise. Heureusement, la France dispose déjà d’un capital d’expériences et de compétences pour mener un travail de fond. Le plan triennal 2001-2004 renforcera la prévention, qui se relâche chez beaucoup d’homosexuels, essaiera d’atténuer les risques pour les usagers de la drogue et de maintenir la vigilance dans toute la population, il consolidera la prise en charge des personnes atteintes et œuvrera à une réduction de l’inégalité d’accès au traitement entre les pays développés et les autres. Le plan national de lutte contre le sida est doté, en 2002, de 64,6 millions d’euros ; le projet de loi de finances pour 2003 prévoit la reconduction de ces crédits.

Le gouvernement prépare un projet de loi quinquennale qui impulsera une approche globale de la santé publique. Nous préférons une telle vision stratégique à un empilement d’enveloppes budgétaires qui ne favorise pas le développement d’une culture de la prévention et qui encourage de surcroît les comportements corporatistes. Voilà pourquoi le gouvernement n’envisage pas de créer le fonds de garantie que vous souhaitez.

M. BRET. - Je le regrette vivement. Les associations seront très déçues, indignées même, par cette attitude. Elles accomplissent avec dévouement une mission de service public en lieu et place de l’État. Vous allez les mettre en difficulté, alors que déjà elles doivent attendre le printemps pour toucher leurs subventions.

La position du gouvernement doit être reconsidérée. Nous agirons en ce sens.

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