Budget 2003 : justice, aide juridictionnelle

Budget 2003 : justice, aide juridictionnelle (Aloïs Moubax - https://www.pexels.com/fr-fr/@aloismoubax)

par Nicole Borvo

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Il est un point que je souhaite vous entendre éclaircir, Monsieur le Ministre, qui est celui de l’aide juridictionnelle.

Même si ce budget pour 2003 prend en compte des mesures sur le financement de l’aide juridictionnelle, un doute plane sur sa pérennité.

Vous avez annoncé, Monsieur le Ministre, durant la Convention nationale des avocats, qui s’est tenue à Nice le 10 octobre dernier, que vous réfléchissiez au développement de l’assurance de protection juridique, qui viendrait compléter le système de l’aide juridictionnelle.

Vous comprendrez que cela n’est pas pour nous rassurer.

En effet, l’aide juridictionnelle permet aux plus démunis de bénéficier gratuitement d’un avocat et permet aux personnes ayant peu de ressources de ne payer qu’une partie des frais d’avocat.

En cela, l’aide juridictionnelle est une garantie de l’égal accès à tous à la justice, et c’est pourquoi son mécanisme doit être préservé.

Le refus d’une justice à deux vitesses nous conduit à contester ardemment le principe de l’assurance de protection juridique.

Si le système de l’aide juridictionnelle ne semble pas menacé pour les plus démunis, ce qui est un moindre mal, il semble toutefois compromis concernant les classes populaires, c’est-à-dire les personnes qui sont loin de bénéficier de hauts revenus.

Car c’est bien cette catégorie qui est directement visée par le principe de l’assurance de protection juridique.

Or, les classes populaires ne peuvent être renvoyées à l’assurance juridique pour une raison simple : ce sont déjà ces personnes qui paient le moins, voire pas du tout, leurs assurances habitation et automobile, alors que ces assurances sont obligatoires. Alors, qu’est-ce qui les inciterait à payer une assurance de protection juridique, même si celle-ci était elle-même obligatoire ?

Par ailleurs, un autre obstacle vient s’ajouter à la mise en place de ce système privé d’assurance.

Vous n’êtes pas sans savoir que, pour le moment, les compagnies d’assurance se refusent à assurer tout ce qui dépend du pénal. En effet, les infractions pénales, dans leur grande majorité, sont des faits volontaires, et les compagnies d’assurance n’assurent pas les actes volontaires, mais tout ce qui dépend de l’aléa.

Elles refusent d’assurer également tout ce qui dépend du droit de la famille, et pour les mêmes raisons.
En effet, il est difficile de parler d’aléa en matière de divorce par exemple, c’est un fait également volontaire.

Or, les affaires relevant du droit pénal et du droit de la famille représentent les deux tiers des demandes d’octroi de l’aide juridictionnelle.

Vous comprenez bien que votre volonté de mettre en œuvre un système d’assurance de protection juridique risque de rencontrer quelques obstacles.

Mais le plus grave, Monsieur le Ministre, c’est que si réforme il doit y avoir, c’est en faveur des gens qu’il faut la faire, non en faveur des avocats.

Chacun doit, dans notre pays, avoir accès de manière égale au droit et à la justice.

Pourtant, vous souhaitez engager une réforme qui entraînera des injustices.

D’autant plus que vous proposez une réflexion sur ce sujet en organisant des tables rondes entre les assureurs, les services de la Chancellerie et les avocats.
Mais vous oubliez les principaux intéressés par cette ambitieuse réforme : les personnes susceptibles de bénéficier de l’aide juridictionnelle, au travers de leurs associations.

Une fois de plus, les décisions seront prises de manière unilatérales et sans concertation avec les personnes intéressées en premier lieu.

C’est pourquoi, Monsieur le Ministre, je souhaite connaître votre position exacte sur ce sujet délicat qu’est l’aide juridictionnelle.

Elle permet à tous d’avoir accès à la justice ; en ce sens, elle ne peut être source d’inégalités ni d’une justice à deux vitesses.

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