Nous considérons que ce projet de loi est dangereux pour le service public postal

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Nous voterons cette motion de procédure proposée par le groupe socialiste.
En effet, nous considérons que ce projet de loi est dangereux pour le service public postal. A qui peut-on faire croire que l’ouverture à la concurrence de l’ensemble des activités postales et le changement de l’opérateur national en simple société anonyme permettent de garantir un service public efficace et moderne ?

Vous n’avez pourtant de cesse de nous dire que les missions de service public et que la maîtrise publique serait sauvegardée, celle ci étant inscrite noir sur blanc dans la loi. Pourtant, si ces missions sont définies de manière relativement imprécise, leur financement, lui, reste plus qu’incertain.
Ainsi, la suppression du secteur réservé par le titre II de ce texte va une nouvelle fois priver la poste de ressources indispensables pour mettre en œuvre le service universel.

La création du fameux fonds de compensation prévu par la loi de régulation postale devient alors plus que nécessaire même si la fiche d’impact simplifiée réalisé par les services du gouvernement sur la directive de 1998 fait part des risques de financement pérenne du service universel avec la disparition du secteur réservé.

Il devait initialement être géré par la caisse des dépôts. Celle-ci prenant part au capital de la poste, il vous revient de créer spécialement un établissement public à cet effet.

Je ne parle même pas ici du fonds de péréquation pour la présence territoriale déjà abordé par mes collègues dans la discussion générale. Celui ci est ridiculement abondé et son avenir par le biais de la suppression de la taxe professionnelle largement mis en péril.

Votre projet de loi, dans la continuité de celui de 2005, propose un service public au rabais, s’articulant autour de la notion de service universel qui a été le plus sûr outil de démantèlement des services publics à la française. On le voit encore dans ce texte qui prône que les prix soient orientés sur les coûts, il n’est donc plus question de droit à disposer de service public, mais des services rendus à des usagers dans des conditions économiques intéressantes pour les actionnaires du groupe.

Vous renforcez encore le rôle et les pouvoirs de l’ARCEP dont la mission est de permettre l’entrée sur le marché des opérateurs privées dans des conditions favorables. Les autres instances ont été mises en sommeil notamment la commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
Je terminerai donc cette explication de vote par des propositions, car pour nous ne voulons ni changement de statut ni statut quo. Notre logique est pourtant différente. A votre exigence de rentabilité maximum, nous opposons les complémentarités et les coopérations comme base du service public et de la cohésion nationale.

Premièrement à l’échelle européenne. Mettre en œuvre des réseaux transeuropéens, cela a du sens. Par contre, organiser une guerre fratricide entre les services publics nationaux n’aboutit à l’inverse qu’à un gâchis humain et financier épouvantable.

A l’échelle nationale, nous proposons le chantier de création de deux pôles publics :
Tout d’abord, un Pôle public financier s’articulant autour de la banque de France, de la Poste, de la Caisse des Dépôts, de Oséo … permettant de diriger la finance publique vers la satisfaction des besoins.
Nous constatons avec satisfaction l’intérêt du ministre pour cette proposition. Nous lui demandons donc d’intervenir auprès des services du sénat pour que l’article 40 ne soit pas opposé aux propositions de sous amendements que nous formulerons.

Deuxièmement, il faut accompagner la complémentarité des usages liées à la communication par une complémentarité des offres. Pourquoi, ne pas s’appuyer sur le formidable atout que représente le réseau postal pour lutter contre la fracture numérique. Une piste importante de modernisation est à creuser dans ce sens dans l’objectif de créer un grand pôle public des postes et télécommunications du XXIème siècle.

Il faudrait pour cela en finir avec la logique qui anime toutes les réformes entreprises par le gouvernement : celle de l’impuissance de la puissance publique à répondre aux besoins, à offrir des services à tous. Son défaussement de ses responsabilités sur le privé ou sur les collectivités locales. C’est aujourd’hui notre pacte social qui est remis en question.

Pour cette raison, et pour toutes les autres, les 2 millions 300 000 personnes qui se sont exprimées le 3 octobre dernier peuvent compter sur les sénateurs du groupe CRC-SPG pour faire entendre leur voix au sein même de cet hémicycle, voix que votre gouvernement a fait le choix de mépriser.
Nous sommes à leur côté déterminés à affirmer que La Poste a un bel avenir devant elle à la condition de mettre en échec votre projet de loi de privatisation du service public postal.

Pour cette raison, nous voterons la question préalable.

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