Un dispositif injuste qui exclut les industries les plus consommatrices d’énergie

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le réchauffement climatique dû à l’utilisation d’énergie produite par des combustibles fossiles représente un risque majeur pour notre société. Si cette prise de conscience, dorénavant partagée, est positive, le mécanisme proposé par « la taxe carbone », est décevant : il est fondé sur une ineptie sociale et risque de ne pas s’avérer efficace, tant il s’inscrit dans la continuité des pratiques actuelles.

En clair, cette nouvelle taxe représente annuellement 300 euros supplémentaires par ménage pour le seul chauffage, 7 à 8 centimes d’augmentation du prix du litre d’essence et 15 % d’augmentation prévisible du prix du gaz.

La proposition de taxe carbone met donc en avant, une nouvelle fois, le principe « pollueur-payeur » dont l’efficacité est contestée par de nombreux experts. Cette nouvelle taxe appelle un calcul simple : plus on polluera, plus elle rapportera.

Par ailleurs, cette taxe ne vise pas à résoudre le problème des émissions de gaz à effet de serre ni des modes de production, elle n’incite pas à la révolution énergétique pourtant nécessaire et elle consacre l’usager comme principal responsable de la pollution.

De cette manière, la machine à inventer de nouvelles taxes est réactivée : 8,3 milliards d’euros d’impôts nouveaux, dont plus de la moitié sera assumée exclusivement par les familles. C’est injuste et insupportable.

Pourtant, la taxe carbone devrait s’inscrire dans une remise à plat complète de notre fiscalité, au lieu de se limiter à un « bricolage » isolé de mesures fiscales.

Indubitablement nécessaire pour pouvoir atteindre les objectifs que la France s’est fixés en matière de réduction d’émissions, elle n’en est pas moins à la fois improductive et injuste dans la version que nous propose le Gouvernement.

Cette taxe est improductive tant qu’elle reste aussi limitée dans son prix comme dans son assiette. Sous sa forme actuelle, la taxe carbone ne permettra jamais d’atteindre l’objectif de division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 qui répond à nos engagements.

L’exclusion complète de la consommation électrique de l’assiette de la taxe pose deux problèmes : d’une part, elle n’incite pas à réduire la consommation d’électricité, alors que cette dernière pourrait être utilisée pour réduire les émissions dans d’autres secteurs, en particulier dans les transports ; d’autre part, elle renforce l’incitation au choix du chauffage électrique, une aberration énergétique de plus, tout le monde le sait !

Cette taxe n’est pas seulement improductive, elle est aussi injuste dans son fonctionnement. En effet, au prix proposé de la tonne de carbone, elle aboutira à alourdir la facture des plus modestes, sans pour autant dissuader les comportements les plus énergivores de ceux qui ont les moyens de l’acquitter.

Alors que cette taxe constituait, potentiellement, un formidable outil de justice fiscale, par la redistribution des richesses et la prise en compte des externalités négatives liées aux comportements de gaspillage, le Gouvernement ne nous propose qu’une redistribution du produit de cette taxe à l’aide d’un « chèque vert ».

Le renchérissement des énergies fossiles, dont les objectifs sont à la fois la réduction globale de la dépense d’énergie et le changement de source d’énergie, doit s’accompagner, selon nous, de politiques visant à développer l’offre de solutions de rechange à la consommation et les incitations à la transition énergétique, comme le préconisait, à juste titre, le rapport rendu par Michel Rocard. L’exclusion de la consommation électrique et l’absence de mesures d’aides aux foyers pour le changement de source d’énergie vont complètement à rebours de ces recommandations.

Comble de l’injustice, on nous demande de taxer les individus, alors qu’un marché a été proposé aux entreprises les plus fortement émettrices de gaz à effet de serre. La taxe vise les consommations d’énergie, mais les industries de production d’électricité, ainsi que l’ensemble des installations soumises au système européen de quotas de CO2, sont exemptées, afin de leur éviter une prétendue « double peine ».

En réalité, au lieu de s’attaquer directement aux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre en leur fixant des objectifs contraignants de réduction de leurs émissions ou en instaurant une taxe sur les activités concernées, on leur permet de spéculer sur le prix de la tonne de carbone, en leur accordant des crédits d’émission gratuits jusqu’en 2013 ! Avec ce système contraire à la logique, les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre seront soumis aux obligations les moins contraignantes et la fiscalité du carbone pèsera essentiellement sur la consommation finale d’énergie, sans aucunement inciter à la réorientation en amont des modes de production de l’énergie, ni permettre, par exemple, le financement d’un fonds en faveur des énergies alternatives à l’aide du produit de la taxe sur les grands producteurs d’électricité.

En fin de compte, cette nouvelle taxe jouera une nouvelle fois contre l’emploi, les salaires et le pouvoir d’achat, alors qu’il serait urgent de conjuguer progrès écologique et progrès social.

En outre, les collectivités locales seront une nouvelle fois mises à mal par cette taxe. D’une part, elles ne bénéficieront d’aucun retour sur ce qu’elles auront versé, contrairement aux ménages ou à certaines entreprises qui seront carrément exemptées. D’autre part, le versement de cette taxe sera déduit de la valeur ajoutée des entreprises qui y sont assujetties, allégeant d’autant les ressources dont disposent les collectivités locales : celles-ci seront une nouvelle fois contraintes soit de diminuer leur offre de services, soit d’augmenter les impôts locaux.

Telles sont les observations qu’appelle de notre part cet article 5, source de nouvelles injustices que nous ne pouvons tolérer !

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