Les communes ne pourront plus décider de leur choix de gestion

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, depuis des mois, le Président de la République et le Gouvernement ne cessent de déclarer que notre organisation territoriale est trop complexe et que nos citoyens ne s’y retrouvent plus.

Ces affirmations, jamais justifiées, viennent d’être totalement infirmées par un sondage du CEVIPOF. En effet, dans cette étude, les maires, les conseillers généraux et régionaux, sont les seuls hommes politiques qui conservent la confiance des citoyens.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment pouvez-vous dire que leur action n’est pas lisible ? Pensez-vous sérieusement que nos concitoyens plébiscitent ces élus tout en ignorant leurs compétences et leurs actions ?

C’est bien parce qu’ils savent combien leur action est précieuse dans leur vie quotidienne qu’ils leur accordent leur confiance. Aussi, en vous attaquant aux élus territoriaux et aux collectivités locales, vous prenez le risque de déstabiliser notre République.

Au sein de la commission Belot, ainsi que dans cet hémicycle, les sénatrices et les sénateurs du CRC-SPG n’ont eu de cesse de vous alerter sur les risques de disparition des communes et des départements portés par ce projet.

En dynamitant l’organisation territoriale de notre République, votre objectif est de réduire de façon considérable le nombre des collectivités. Pour y parvenir, sans l’annoncer, vous vous cachez derrière la généralisation des intercommunalités.

Vous savez parfaitement qu’en fixant l’objectif de réaliser des intercommunalités sur tout le territoire et en confiant aux préfets le soin de les imposer et d’en modifier les périmètres existants, vous transformez ces outils de coopération volontaire en de nouvelles institutions obligatoires, dont vous prévoyez par ailleurs de renforcer les compétences.

Le regroupement obligatoire porte un coup d’arrêt à la coopération volontaire et à la communauté de projet librement définie. Les communes ne pourront plus décider de leur mode de gestion ou de leurs actions dans de très nombreux domaines ; les décisions prises par d’autres communes s’imposeront à elles, même si elles ne les partagent pas.

C’est faire de ces intercommunalités des institutions supra-communales, éloignées du contrôle citoyen, monsieur le ministre. Avec les métropoles, vous accélérez les transferts de compétences au détriment des communes membres.

Les communes n’exerceront plus que des missions administratives déléguées et seront alors vidées de toute substance, ne disposant plus d’aucun pouvoir de décision, d’aucune possibilité d’action.

Quant aux départements, vous commencez à mettre en œuvre leur lent dépérissement, en supprimant la clause de compétence générale, en les obligeant à s’effacer au profit des métropoles et en encourageant leur fusion avec les régions.

Par ce renforcement des intercommunalités et cet effacement des départements, vous enclenchez, vous le savez d’ailleurs très bien, un processus dont l’aboutissement inéluctable est la disparition programmée de plusieurs milliers de communes et de nombreux départements. Vous en prévoyez même les modalités. Alors, pourquoi ne pas dire clairement qu’il s’agit là de votre objectif ?

Pour y parvenir, vous n’hésitez pas à remettre en cause les principes républicains de la libre administration des collectivités territoriales et de la non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

L’uniformisation des politiques locales, pilotée d’en haut, est alors en marche.

Les communes y perdront leur identité, leur diversité, leur dynamisme et les services publics locaux disparaîtront peu à peu au profit d’initiatives privées.

Les 36 000 foyers de débats citoyens et d’initiatives pluralistes qui fondent pourtant notre identité et constituent les bases démocratiques de notre République seront alors fortement affaiblis.

L’investissement citoyen, l’engagement local, le bénévolat au profit de l’action publique, les solidarités locales, vont perdre de leur sens et disparaîtront peu à peu.

Aussi, face à cette vaste et dangereuse opération de remise en cause de nos institutions, nous allons combattre l’ensemble de vos projets de loi. Nous le ferons en défendant une tout autre conception du développement de nos territoires, au profit des populations qui y résident, en favorisant la vie démocratique, les coopérations et les mutualisations et en refusant la mise en concurrence des territoires et des habitants, qui consacre toujours la victoire du plus fort au détriment de la solidarité, laquelle est pourtant un élément essentiel de notre pacte républicain.

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