La démocratie ne doit-elle pas se donner les moyens de fonctionner correctement ?

Il eût pourtant été plus efficace d’aborder les questions dans le bon ordre. Mais puisqu’il n’en est pas ainsi, je vais néanmoins évoquer la création des conseillers territoriaux.

Ma collègue Éliane Assassi vient de signifier notre opposition résolue à cette mesure. Les partisans de la réforme ont notamment justifié la suppression des actuels conseillers généraux et régionaux, dont l’existence est pourtant consubstantielle de celle des collectivités territoriales, par le fait que ces élus coûteraient cher. Cet argument est à l’évidence populiste, car une démocratie doit se donner les moyens de fonctionner correctement. De plus, chacun sait que les indemnités des élus ne constituent qu’une très faible part des budgets des collectivités locales. D’ailleurs, il est fort possible que la diminution du nombre des élus entraîne un accroissement des dépenses de fonctionnement de ces dernières.

Quoi qu’il en soit, l’objectif est manifestement de supprimer les départements, comme en témoignent également le renforcement de l’intercommunalité et la fin de la clause générale de compétence, prévus par ce projet de loi, ainsi que la suppression de la taxe professionnelle.

Qu’un même élu soit appelé à administrer à la fois la région et le département ne sera pas sans poser de nombreux problèmes, en particulier en termes d’efficacité. L’exercice par les conseillers territoriaux d’un ensemble très étendu de responsabilités ne contribuera pas, tant s’en faut, à rendre leur action plus compréhensible par nos concitoyens, alors que ceux-ci s’interrogent déjà parfois sur ce sujet. En outre, on ne perçoit pas non plus comment la coordination entre les départements et les régions s’en trouvera améliorée ; au contraire, une certaine paralysie ou une forme de bureaucratisation est plutôt à craindre. Votre idée de créer des suppléants destinés à aider ces « super conseillers » témoigne d’ailleurs des problèmes qui risquent fort de découler de l’instauration de ces derniers.

La mise en œuvre de votre projet conduira à la création de véritables professionnels de la politique : peut-être est-ce d’ailleurs là votre objectif, mais, en tout cas, cela ne correspond guère aux attentes de nos concitoyens, qui souhaitent au contraire des élus proches d’eux, qui leur ressemblent, qui soient représentatifs de notre société. Cela risque d’être encore moins le cas qu’aujourd’hui ! Vous avez une conception très particulière du rapprochement entre élus et citoyens…

Enfin, s’agissant du mode de scrutin, est-il encore utile d’en parler, puisque l’adoption de l’amendement de M. About vous laisse désormais les mains libres…

M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Il sera traité des modalités d’élection des conseillers territoriaux dans un projet de loi spécifique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes opposé à la tenue d’une discussion sur ce sujet lorsque l’opposition l’a proposée, puis vous l’avez acceptée quand il s’est agi d’examiner l’amendement de M. About ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Alors, permettez que nous abordions cette question, même si l’on peut se demander si cela en vaut encore la peine, dans la mesure où le Gouvernement a désormais la voie libre !

En tout cas, il est évident que le mode de scrutin que vous envisagez aboutira à la suppression du pluralisme. Ce que vous voulez, c’est instaurer le bipartisme : bien évidemment, nous ne pouvons être d’accord !

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