Tribunaux d’instance parisiens

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, je voudrais attirer votre attention sur l’éventuel regroupement des tribunaux d’instance parisiens dans la future cité judiciaire des Batignolles, qui n’a pas encore vu le jour, mais dont la création est programmée.

Ce regroupement des tribunaux d’instance a été annoncé dans le courant du mois de janvier par le premier président de la cour d’appel. Je précise qu’à aucun moment il n’a été évoqué lors de l’établissement de la nouvelle carte judiciaire et qu’il n’a jamais été question, dans les déclarations de la ministre de la justice de l’époque, d’une suppression des tribunaux d’instance parisiens.

Cela dit, à aucun moment non plus, le Gouvernement, que j’ai interpellé à plusieurs reprises sur ce sujet, notamment lors de la discussion budgétaire, n’a apporté de réponse claire sur ce point.

Il est à noter que la majorité du Conseil de Paris s’est prononcée en faveur du maintien des tribunaux d’instance parisiens, structures de proximité utiles, notamment pour ceux qui sont en grande difficulté. Beaucoup craignent que ce regroupement ne soit synonyme de diminution de moyens, de déshumanisation des procédures, et ne porte ainsi un coup fatal à la justice de proximité, déjà bien mal en point.

On peut également s’interroger sur les conséquences d’un tel regroupement en termes de transport, car il signifierait que des lignes déjà surchargées assurent l’acheminement des 10 000 personnes travaillant à la cité judiciaire, sans parler des justiciables qui s’y rendront.

Pour toutes ces raisons, madame le garde des sceaux, je souhaiterais avoir des précisions sur les intentions de l’État en la matière et, en tout état de cause, sur l’engagement d’un processus de concertation. Celui-ci reste nécessaire dès lors qu’on prévoit de supprimer des tribunaux d’instance qui fonctionnent actuellement à plein régime.

M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Borvo Cohen-Seat, votre question me permet de réaffirmer ce que j’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, notamment devant les parlementaires et en particulier à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2010 : s’il est vrai que la réinstallation du tribunal de grande instance de Paris aux Batignolles a ouvert une réflexion sur le sort des tribunaux d’instance, à ce jour aucune décision n’est néanmoins prise à leur sujet.

La réflexion doit intégrer un certain nombre de données, notamment l’intérêt des justiciables, les aspects pratiques – notamment la question des transports, que vous avez mentionnée –, les capacités de mutualisation.
Trois hypothèses peuvent être envisagées. La première consiste à maintenir la situation actuelle, ce qui n’est pas forcément la meilleure solution. Le deuxième est le regroupement des différents tribunaux d’instance autour de quatre pôles. Enfin, la troisième porte effectivement sur la création d’une entité unique aux Batignolles ; cette solution permettrait de construire une très grande cité judiciaire, où les avocats eux-mêmes envisagent de s’implanter.

Quoi qu’il en soit, comme je l’ai toujours dit, la décision ne sera prise qu’après une concertation étroite avec les élus. C’est, pour moi, le gage d’un bon travail !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse et je vous sais gré, en particulier, d’avoir précisé que la décision n’était pas encore prise.

Je ne prétends pas que tout doit rester en l’état – je ne suis sûrement pas partisane de l’immobilisme généralisé ! –, mais je crois que le regroupement sur le site des Batignolles poserait beaucoup de problèmes.

Paris n’est certes pas un département comme les autres, ne serait-ce que par sa faible superficie et une certaine facilité des déplacements. Il reste que le nombre des affaires que les tribunaux d’instance ont à traiter – notamment les tutelles et curatelles, les injonctions de payer, les ordonnances sur requête et les élections professionnelles – est énorme. Dès lors, le choix de regrouper l’ensemble de ces contentieux dans la cité judiciaire n’est pas a priori celui que je ferais.

Il faut absolument réfléchir aux questions de proximité et de commodité de déplacement, mais également offrir des structures « humaines ». Nous le savons très bien, les regroupements s’accompagnent souvent d’une diminution des moyens. En l’occurrence, ce seraient ceux qui sont affectés au traitement des affaires judiciaires courantes qui se trouveraient touchés.
Madame le garde des sceaux, les élus, en tant que représentants des citoyens, ont leur mot à dire, et je vous remercie de l’avoir rappelé.
De nombreux arguments, y compris en termes d’économies, plaident sans doute en faveur du regroupement, mais le résultat, me semble-t-il, ne serait pas du tout satisfaisant.

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