Psychiatrie : entre pressions sécuritaires et contraintes économiques, quelle place pour le patient ?

Mesdames, Messieurs,

Avant toute chose, permettez-moi de remercier chacun d’entre vous pour votre présence aujourd’hui.

Je remercie mes collègues sénatrices et sénateurs des autres groupes, et excuser le Sénateur Jacky LE MENN qui m’a demander de le faire. Et naturellement je remercie particulièrement Hervé BOKOBZA, Daniel ZAGURY, Patrick CHEMLA, Véronique ALBEROLA qui ont accepté d’intervenir aujourd’hui, ainsi que Véronique WIDOCK à qui je laisserai la parole - comédienne et metteur en scène – qui, pour débuter nos travaux procédera à la lecture d’un extrait de la pièce « voyage à travers les ombres ».

Les participants au colloque

Il y a de cela trois mois, à l’issue d’une rencontre avec le collectif « nuit sécuritaire », alors que le Sénat s’apprêtait à examiner le projet de loi « tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle », avec mes collègues de la Commission des Affaires sociales nous avons estimé qu’il nous fallait un temps de réflexion, de mise en commun, d’échange, sur cette question de la folie et de sa prise en charge.

Avec l’annonce de Roselyne BACHELOT, Ministre de la Santé, d’un projet de loi relatif, selon son intitulé « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques », cela nous apparaît être aujourd’hui, une absolue nécessité.

En effet, nous avons le sentiment que notre pays, après d’autres, recule.
Au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, il semblerait que l’humanisme avait triomphé. Or, a-t-on vu réapparaître le déterminisme lombrosien.

Ainsi, à titre d’exemple, l’obligation de soins sans consentement, comme l’injonction de soins en tant que peine complémentaire a fait en dix ans, l’objet de pas de moins de 4 réformes. La réforme annoncée par le gouvernement sera donc la cinquième. Et encore, il ne s’agit là que des apports législatifs, et ne sont pas pris en compte les mesures d’ordre réglementaire, comme les rectifications apportées aux conditions de sorties thérapeutiques qui donnent plus de pouvoirs aux préfets, qu’aux médecins.
Cette approche « déterministe » a été à son comble avec le projet de loi.

Il fallait se doter des outils pour repérer les jeunes de moins de trois ans, jugés comme pouvant potentiellement devenir au choix, des leaders ou des délinquants. Cette proposition, qui a suscitée la colère et la mobilisation autour d’un collectif « Zéro de conduite » a par contre trouvé un écho certain en Grande Bretagne, où, sur les mêmes fondements a été élaboré une politique de contrôle social des foyers considérés comme les plus vulnérables – foyers monoparentaux, sans emplois, soumis à des addictions – afin d’éviter que ces troubles sociaux n’entraînent des troubles psychiques, par ailleurs générateurs de troubles sociétaux.

C’est pourquoi, loi après loi, nous avons toujours refusé et continuerons à le faire, que les politiques menées en matière de santé mentale réduisent le délinquant malade à ses actes, lui retirant toute possibilité d’évolution. C’est pourquoi, nous refusons avec force l’instauration d’un fichier sensé destiné à renforcer les pouvoirs de police du Maire, mais dont on sait qu’il s’agirait en réalité d’un nouvel outil de contrôle, plus destiné à apaiser la société, que la souffrance du malade.

Le Sénat a le mérite d’avoir créé un groupe de travail sur la responsabilité pénale, qui a rendu son rapport ce matin.

Dans ce contexte la rencontre d’aujourd’hui revêt une grande importance.
Il s’agit d’une part de confronter points de vue et analyses sur la place de la psychiatrie dans notre société et sur les réponses qu’il faut démocratiquement trouver, notamment en matière d’accompagnement des familles de patients, en terme de structures d’accueil, bref, que nous tentions de resituer le patient au cœur des politiques publiques.
Notre rencontre est une contribution à ce débat.

Avant d’en venir au débat proprement dit et de laisser la parole à nos deux premiers intervenants puis à la salle, je vous invite écouter une lecture de l’extrait de la pièce « Voyage à travers les ombres », par la comédienne et metteur en scène Véronique WIDOCQ, partant du principe que la culture n’est qu’une longue interrogation et qu’à sa manière elle participera à répondre aux questions que nous nous posons aujourd’hui.

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