L’intercommunalité, outil de coopération entre les villes, devient un instrument de coercition

Monsieur le ministre, avec cet article, vous entendez doter le préfet de moyens lui permettant de redessiner de façon discrétionnaire, loin des élus de proximité et des citoyens qu’ils représentent, la carte administrative locale, en fusionnant certains EPCI entre eux ou en obligeant des communes à intégrer une intercommunalité alors qu’elles s’y refusent.

L’intercommunalité, qui devrait logiquement être un outil de coopération entre les villes, devient ainsi un instrument de coercition. Pour vous, c’est la collaboration obligatoire, au risque de voir, au final, le représentant de l’État prendre seul une décision qui peut revêtir une importance politique certaine.

Ce faisant, vous rompez définitivement avec la logique même de l’intercommunalité, qui repose sur la volonté de chacune des communes de s’associer avec les autres pour porter, dans l’intérêt des citoyens et conformément aux engagements pris devant eux par les élus, des projets communs.

Nous considérons, comme nous avons eu l’occasion de le souligner lors de la première lecture de ce texte au Sénat, qu’une telle disposition est contraire à l’article 72 de la Constitution, relatif à la libre administration des collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, vous contestez cette analyse, mais vous ne pouvez nier que cette réforme constitue pour le moins une importante remise en cause de la décentralisation. J’en veux pour preuve la manière avec laquelle, pour régler une difficulté locale, vous avez recours au représentant de l’État lui-même. Cette méthode est d’ailleurs progressivement devenue une habitude de gouvernement.

Sous les apparences du respect des lois de décentralisation, vous transférez aux régions, mais aussi et surtout aux départements, certaines activités qui relevaient hier de l’échelon national. Cette évolution ne s’accompagne pas systématiquement d’un transfert de financement, d’ailleurs.

Toutefois, dans le même temps, vous appliquez aux collectivités territoriales, comme aux établissements publics, les mesures de rigueur financière que le Gouvernement impose à l’État. Et pour être bien sûr que ces collectivités appliquent vos dogmes, vous renforcez systématiquement le rôle de l’État centralisateur, soit en augmentant les pouvoirs des préfets, soit en créant des autorités qui sont placées sous la tutelle du Gouvernement et auxquelles vous confiez des pouvoirs exorbitants.

Pour illustrer mes propos, je ne développerai qu’un seul exemple : vous entendez placer sous la tutelle administrative des directeurs des agences régionales de santé, les ARS, nommés par le Gouvernement, les établissements publics de santé qui ne respecteraient pas les plans de rigueur comptables imposés par ces mêmes responsables des ARS !

Si la problématique du présent article 29 est différente, le raisonnement suivi est similaire : les préfets demeurent, dans le cadre de l’intercommunalité, des outils de coercition, ou du moins de contrainte.

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