Pourquoi se contenter de si peu quand la situation des femmes exigerait que nous traitions de l’ensemble des aspects relatifs à leurs responsabilités dans l’entreprise ?

Nous avons le triste privilège de compter parmi les pays démocratiques où la concentration des pouvoirs entre les mains de quelques-uns est considérable, tant dans la sphère privée que dans la sphère publique, et où la parité n’est pas de mise, les femmes occupant une place peu élevée dans la société.
Dans un tel contexte, il est évidemment nécessaire d’agir !

Quand on milite depuis longtemps – comme moi – pour l’égalité entre les hommes et les femmes, on veut que cette égalité se réalise partout et à tous les niveaux, y compris dans les instances dirigeantes des grandes entreprises. C’est pourquoi, au sein du groupe CRC-SPG, nous ne sommes pas hostiles à une loi en la matière.

Mais pourquoi se contenter de si peu quand la situation des femmes exigerait que nous traitions de l’ensemble des aspects relatifs à leurs responsabilités dans l’entreprise ? En rester au conseil d’administration est tout de même une façon très étroite de s’occuper de la question… Elle mérite bien plus !
Par ailleurs, convenez, mes chers collègues, que les quotas institués ne s’appliquent qu’aux très grandes entreprises, qui sont loin de représenter la réalité de notre tissu économique.

À la demande de Mme le rapporteur, la commission des lois a supprimé l’article 5 qui visait les établissements publics, et les amendements – pourtant présentés par des sénatrices de tous bords – ayant pour objet de rétablir cet article ont été retirés ou repoussés.

Cette suppression, bien regrettable, a donc été entérinée. Seule la présidente de la délégation aux droits des femmes s’y est opposée, mais, madame la secrétaire d’État, vous ne l’avez pas plus entendue que son homologue de l’Assemblée nationale.

Les dispositions de la proposition de loi ne rencontrent qu’une sanction limitée, comme nous avons pu le constater avec le débat sur la nullité de la décision de nomination. Quand à la nullité des délibérations, vous n’en voulez pas ! Vous retenez en fait des sanctions très minimes. Or on sait bien que, dans ce domaine, les sanctions légères ne permettent pas une progression satisfaisante.

La proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste Nicole Bricq et Richard Yung avait le même objectif d’instaurer des quotas dans les conseils d’administration et de surveillance, mais cette instauration était assortie de sanctions plus significatives, que nous approuvions, et, surtout, de dispositions essentielles concernant l’interdiction du cumul des mandats.

En effet, dans les plus grandes entreprises, notamment celles qui sont cotées en bourse, les mandats d’administrateurs se répartissent dans un cercle restreint – l’oligarchie des affaires, qui d’ailleurs se trouve en étroite correspondance avec l’oligarchie politique – et on y retrouve toujours les mêmes.

On peut donc considérer que la question de l’interdiction du cumul est centrale, non seulement pour permettre aux femmes d’entrer dans ces structures, mais encore pour éviter les conflits d’intérêt. Dans l’option retenue ici, du fait de l’absence d’interdiction de cumul, on peut se demander si on ne prépare pas l’entrée dans ces conseils d’administration des femmes, des filles ou encore des mères de leurs membres actuels, afin, en quelque sorte, d’« occuper le terrain ». Dès lors, l’oligarchie évoquée précédemment ne serait pas remise en cause.

Enfin, il me paraît paradoxal – et extraordinaire – que vous ne voyiez pas cette contradiction flagrante : le législateur fixe des règles pour les conseils d’administration des grandes entreprises alors qu’il est dans l’incapacité de légiférer efficacement sur l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes, que la majorité est dans l’incapacité de faire appliquer la parité dans la vie politique qu’elle a elle-même votée et, pire, qu’elle entendrait même la faire régresser avec la création des conseillers territoriaux.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe CRC-SPG ne peuvent que s’abstenir.

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