Le gouvernement dénie aux élus locaux le droit d’être entendus

Le gouvernement dénie aux élus locaux le droit d'être entendus - Réforme des collectivités territoriales : conclusions de la commission mixte paritaire

Notre Haute Assemblée peut-elle accepter que son rôle de représentante des collectivités territoriales que lui confère l’article 24 de la constitution soit remis en cause par un acte autoritaire ?

Ce nouveau passage en force est inacceptable.

Inacceptable parce qu’il dénie aux élus locaux, à leurs associations, opposées au contenu de la réforme et plus encore après les conclusions de la commission mixte paritaire, le droit d’être entendus.

Inacceptable parce qu’il balaie l’acquis de la décentralisation !

Trente années de décentralisation ont conduit les collectivités territoriales à investir, avec leurs moyens, l’énergie et la détermination de leurs élus, la compétence de leurs cadres et, souvent, l’appui des populations, bien des champs de la vie sociale et économique.

Développement d’infrastructures de transport, création et gestion d’équipements publics, réalisation et rénovation du parc de logement locatif, définition de politiques d’urbanisme, émergence de pratiques culturelles diversifiées, action économique, bien des projets ont été portés par les collectivités locales, en leur nom propre ou en association avec d’autres partenaires.

La décentralisation, et singulièrement l’application concrète de la clause de compétence générale, associée à une plus grande maîtrise de l’outil fiscal, ont permis l’émancipation des collectivités locales de la tutelle de l’Etat.
Elles ont appris à travailler ensemble, sur des projets rassembleurs et pertinents au regard des besoins de la population.

Et la décentralisation a été un outil de développement collectif, au moment même où la crise économique s’approfondissait, fonctionnant comme une machine à exclure toujours plus de nos compatriotes du paysage économique, de la vie sociale et, ultime aboutissement, de la vie politique de la cité.
Pourtant, à considérer les dispositions relatives aux finances locales dans cette loi, à les « connecter » avec la suppression de la taxe professionnelle et l’ensemble des mesures prises depuis une bonne vingtaine d’années pour contraindre les ressources des collectivités, ce sont bien toutes ces avancées qui sont brutalement mises en causes.

Des entraves sont posées à tout exercice de l’initiative des élus locaux, notamment en interdisant les financements croisés.

On veut, dans de nombreux cas, réduire les communes au rôle de simples figurants noyés dans un ensemble plus large, communauté urbaine, métropole, où le pouvoir serait accaparé par les plus importantes collectivités qui pourraient imposer leurs vues et leurs priorités.

On réduit la « souplesse » des ressources financières des collectivités en augmentant sans cesse la part des dépenses obligatoires, au point de transformer certaines collectivités, je pense en particulier aux départements, en simples distributeurs d’allocations dont la quotité et les conditions d’attribution sont fixées ailleurs.

On empiète sur le pouvoir fiscal des élus locaux, comme l’a montré la suppression ratée de la taxe professionnelle qui va transformer, sur la durée, en dotations à l’évolution limitée ce qui était auparavant une ressource fiscale dynamique, représentative, bien souvent, des efforts de développement économique accomplis par les collectivités.

De cette manière, vous visez à l’asphyxie financière des collectivités locales, vous créez les conditions de la disparition des communes et des départements.

En réalité, ce projet de loi met en place une profonde restructuration-destruction de nos institutions locales.

Alors que le Gouvernement ne cesse de nous vanter l’initiative privée, la créativité, l’innovation, faisant de l’audace individuelle et du goût d’entreprendre les fondements de son action, voici qu’il s’oppose avec force aux élus locaux, légitimes représentants des populations, en les privant d’initiative et de liberté de gestion ?

Votre seul souci consiste à faire participer les collectivités territoriales à vos choix libéraux de réduction à tout prix de la dépense publique alors que vous savez pertinemment que les collectivités locales ne contribuent que marginalement à l’accroissement des déficits publics. La dette, c’est d’abord votre dette.

Ce que porte ce texte, c’est un double mouvement de concentration des pouvoirs et de spécialisation des compétences afin de réduire la dépense publique locale. C’est dans cette logique que s’inscrit le gel des dotations de l’Etat qui ne manquera pas d’aggraver considérablement les difficultés et l’appauvrissement des collectivités locales.

Et tant pis pour le développement équilibré et cohérent de tous les territoires, tant pis pour la satisfaction des besoins des populations et notamment des plus fragiles.

Avec ce texte, vous priorisez le développement et l’enrichissement de certains territoires, laissant les autres à la dérive. Vous organisez les inégalités territoriales en mettant en place un schéma d’organisation pensé en termes de compétition entre les territoires.

Ce projet est une restructuration libérale de nos institutions locales. Il est porteur de nouvelles et puissantes inégalités sociales et territoriales. Il ne répond en aucun cas aux besoins d’aujourd’hui et aux défis de demain.
En réalité, tout est aujourd’hui fait et pensé pour que les grands groupes privés qui font leurs choux gras de la gestion des services publics soient plus encore incités à le faire.

Car, si l’on interdit les financements croisés, on encourage les partenariats public-privé, ces fameux contrats où le bénéfice de l’opération va toujours au privé et les pertes éventuelles toujours à l’autorité publique.

En matière de finances comme de pouvoirs locaux, le présent texte a donc choisi : concurrence et privatisation contre complémentarité et intérêt général.
Dans ces conditions, vous comprendrez mes chers collègues que le groupe CRC-SPG vote résolument contre le texte issu de la commission mixte paritaire.

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