Un budget 2011 d’austérité pour le plus grand nombre et de maintien des privilèges pour quelques-uns

Un budget 2011 d'austérité pour le plus grand nombre et de maintien des privilèges pour quelques-uns - Projet de loi de finances pour 2011 : retour sur discussions (Pixabay)

Le texte du projet de loi de finances pour 2001 s’inscrit clairement dans une démarche de réduction des déficits publics, qui s’appuie sur deux outils principaux : la réduction de la dépense publique et celle de la dépense fiscale, en mettant en œuvre une hausse des impôts qui ne dit pas son nom.

Sur ces deux orientations, l’une, celle de la réduction de la dépense fiscale, est relativement nouvelle, quand l’autre est un « passage obligé » des lois de finances depuis au moins vingt-cinq ans.

Notons simplement que les déficits publics accumulés ont connu une sensible inflexion à la hausse depuis 1985, date à laquelle on a commencé à réduire sensiblement les impôts et à « maîtriser », en réalité à museler, la dépense publique.

Force est de constater que nous avons connu depuis 2002 une inflexion encore plus forte puisque les gouvernements successifs ont fabriqué une dette publique inégalée en temps de paix avec un très mauvais déficit.

Peu à peu, la dépense fiscale s’est substituée à la dépense publique, et le principe d’égalité qui doit naturellement guider notre démarche budgétaire a peu à peu été remis en cause.

La dépense publique, dans son essence, est juste et conduit naturellement à corriger les inégalités sociales et économiques qui affectent la population de notre pays. Moins de dépense publique, c’est plus d’inégalités sociales !

Quant à la dépense fiscale, par principe, elle vient au secours de ceux qui en ont l’usage le plus pertinent, c’est-à-dire dire de ceux qui paient beaucoup d’impôts.

Prenons un exemple simple. En 1985, la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu était soumise à un taux de prélèvement marginal de 65 %. Nous sommes, par mouvements successifs, singulièrement accentués depuis 2002, parvenus à un taux d’imposition de 40 %, soit à une réduction de plus d’un tiers du taux marginal. Que constate-t-on ? Un accroissement continu du déficit public, une insuffisance manifeste de financement direct de l’activité économique par les ménages, un maintien de l’épargne à un niveau élevé par rapport à d’autres pays. C’est dire si le discours idéologique que l’on nous a tenu sur la baisse de l’impôt a tout simplement échoué à trouver application !

Depuis 1986, malgré quelques phases d’embellie relativement brèves – de 1997 à 2002, par exemple –, la croissance française est faible. Elle est même quasi atone depuis 2002. La baisse des recettes publiques ne s’est donc pas traduite en dynamisme économique, en création d’emplois, en progression sensible du pouvoir d’achat.

La même observation vaut pour le mouvement de correction sensible de l’imposition des entreprises qui, engagé avec la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, vient de trouver une forme d’aboutissement avec la disparition de la taxe professionnelle. Le projet de loi de finances pour 2011 nous offre l’illustration de ce mécanisme.

Cette tendance lourde de défiscalisation de l’entreprise est allée de pair avec un développement de l’emploi précaire, qui a atteint aujourd’hui des niveaux inégalés dans l’histoire sociale de notre pays, et une modération salariale. Ce double phénomène a conduit, après le pic de 1982, à réduire toujours plus la part de la valeur ajoutée consacrée aux salaires et aux cotisations sociales.

Bien que la charge fiscale des entreprises ait donc été largement réduite, la qualité de l’emploi s’est constamment dégradée dans notre pays, de même que le niveau des salaires. En 2010, salaires et cotisations sociales constituent une part de la valeur ajoutée inférieure à celle que nous connaissions en 1970, époque où la France s’inquiétait de compter 500 000 chômeurs.

Les bons conseils des idéologues libéraux nous ont conduits aux déficits et à la dette, doublés de déchirements profonds du corps social. Ces déchirements entraînent eux-mêmes de nouvelles dépenses publiques et sont sources d’insuffisances nouvelles de recettes, tant fiscales que sociales.

Ainsi, le choix du moins-disant fiscal et social conduit, progressivement, au délitement de la puissance publique et à l’aggravation continue des inégalités. Dès lors, ce qui habite l’ensemble des acteurs du corps social, c’est la crainte du déclassement, la peur de la perte de l’emploi et du statut social, qui peuvent conduire à l’exclusion.

Le projet de loi de finances pour 2011 s’inscrit dans la continuité de ceux qui l’ont précédé. Il s’agit donc de réduire les dépenses publiques et les déficits publics.

Le déficit budgétaire baisse de 35 milliards d’euros dès lors que disparaissent les crédits ouverts dans le cadre du plan de relance. L’arrêt de certaines mesures temporaires, comme le remboursement accéléré des crédits d’impôt sur les sociétés ou le calage à un niveau moins élevé qu’en 2010 du coût de la suppression de la taxe professionnelle, joue également en faveur de la baisse du déficit.

Enfin, pour compléter ces dispositions, intervient le double gel des traitements des agents publics et des dotations aux collectivités territoriales. Voilà comment vous obtenez un déficit comptable et budgétaire qui semble se réduire alors que tous les enjeux sociaux demeurent !

Le logement ? Pas de solution durable au problème des mal-logés, mais vous prévoyez la mise à contribution des organismes HLM à leur propre activité !

L’emploi ? Triste perspective puisque l’on supprime plusieurs dizaines de milliers d’emplois budgétaires et que l’on invite les opérateurs de l’État à procéder au même effort de réduction des effectifs que celui que l’État s’impose depuis plusieurs années. On attend sans doute du secteur privé qu’il crée les emplois manquant afin de réduire durablement le nombre des chômeurs inscrits à Pôle emploi. Malheureusement, la timide reprise de l’activité observée cette année dans certains secteurs économiques a surtout été utilisée pour relancer le recours au travail intérimaire ou sous contrat à durée déterminée !

La justice fiscale ? Ce n’est toujours pas à l’ordre du jour, car il n’est pas encore question de supprimer le bouclier fiscal ni de revenir sur les nombreuses mesures qui réduisent tant l’imposition des hauts revenus, des patrimoines élevés que celle des entreprises et des grands groupes.

Notre législation fiscale est ainsi faite que nous utilisons autant de moyens à alléger l’impôt sur les sociétés des grands groupes qu’à former nos jeunes dans le cadre du système scolaire.

Au regard de la situation de notre commerce extérieur, durablement déficitaire depuis quelques années, on mesure que, au final, nous avons aidé la plupart de nos grands groupes à délocaliser leurs activités productrices chez nos concurrents, au profit des actionnaires, et au détriment de l’emploi et de la croissance.

Une réforme juste de notre fiscalité, notamment la réduction de la dépense fiscale, élément-clé de la programmation des finances publiques dans les années à venir, passe de manière incontestable par d’autres voies que celles empruntées par le Gouvernement avec ce projet de loi de finances, texte qui ne prévoit de réduire la dépense fiscale que lorsqu’elle s’adresse aux ménages, notamment aux plus modestes.

Le projet de loi de finances pour 2011 trouve même le luxe de procéder au renforcement de la dépense fiscale en faveur des entreprises puisque l’extinction programmée de la réduction d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier va de pair avec la progression probable du crédit d’impôt sur le prêt à taux zéro qui profite aux banques distribuant ce mode de financement de l’achat immobilier. Et cela se fait sans risque excessif pour les banques puisque celles-ci pourront désormais proposer le prêt à taux zéro à tous les ménages sans condition de ressources. On peut évidemment penser qu’elles constitueront leur portefeuille de clientèle en fonction de cette nouvelle opportunité de réduction du risque encouru à prêter de l’argent à des familles à revenus modestes.

Pour le reste, la commission mixte paritaire, alors que le nombre des articles soumis à son examen demeurait élevé, n’a pas procédé à de sensibles modifications du texte issu des travaux du Sénat. Quelques dispositions, plutôt mineures, ont été modifiées par la commission mixte paritaire.

Ainsi, parmi les nouvelles recettes fiscales, on peut dégager le relèvement de la TVA sur les offres téléphone-télévision-internet ou encore la taxation des contrats de couverture santé mutualistes, ce qui montre clairement que l’on préfère de beaucoup frapper les salariés modestes et moyens plutôt que de s’attaquer aux cadeaux fiscaux dont jouissent les plus aisés. Comme la flambée des cours du pétrole transforme les pompes à essence en collectrices de TVA sans cesse plus rentables, tout va donc plus mal pour le pouvoir d’achat du plus grand nombre !

Rien, de fait, ne peut nous faire varier de la position que nous avons exprimée sur ce texte, que nous continuons de rejeter. Nous ne voterons donc pas ce budget 2011 d’austérité pour le plus grand nombre et de maintien des privilèges pour quelques-uns.

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