Loi de programme pour l’outre-mer

par Thierry Foucaud

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Si l’on prend en compte les résultats des plus récents recensements de la population, ce sont 2 millions d’habitants qui demeurent aujourd’hui dans les départements, territoires et collectivités d’Outre Mer.

Cette donnée essentielle au débat nous permet d’apprécier en conséquence les attendus, les objectifs et les moyens que le présent projet de loi de programme entend mobiliser pour répondre aux multiples défis ( économiques, culturels, sociaux, éducatifs, etc...) que doivent relever ces territoires.

Soyons donc clairs : croit on vraiment qu’avec 300 millions d’euros de dépenses nouvelles, c’est à dire plus ou moins 150 euros par habitant, que l’on va répondre aux multiples questions aujourd’hui posées.

Quand de surcroît, une part importante de cette dépense nouvelle n’est en réalité qu’une progression de dépenses fiscales déjà existantes, et pour lesquelles aucune étude d’impact ni analyse d’efficacité n’a encore été véritablement effectuée, on peut se permettre de douter de la portée réelle de cette loi de programme.

Tout se passe un peu comme si, dans la double perspective des élections régionales et des élections européennes de 2004, l’on avait voulu, à toute force, faire adopter un projet de loi, procédant à quelques aménagements cosmétiques de l’existant, destiné à servir de viatique électoral aux candidats investis par le Gouvernement actuel.

Mais, dans le même temps, la pression des événements et des réalités sociales et économiques se fait ressentir et nous appelle naturellement à d’autres choix que ceux portés aujourd’hui par le projet de loi de programme.

Si l’on examine l’ensemble des paramètres de la situation, qu’il s’agisse du taux de chômage que connaissent la plupart des territoires et départements d’Outre Mer, de la situation économique générale, et, entre autres, de la dégradation des échanges commerciaux, de la situation sociale ( avec par exemple un nombre de Rmistes six fois plus élevé Outre Mer qu’en métropole ), des retards du système de formation initiale, de l’insuffisante mobilisation des moyens financiers pour faire face aux exigences de développement des entreprises, tout concourt à promouvoir des solutions autrement plus audacieuses que celles préconisées par le projet de loi de programme.

Celui ci est de surcroît fondé sur un certain nombre d’attendus plus ou moins dogmatiques : il porte notamment la croyance en une dynamisation des économies ultramarines par le secteur marchand.

Une telle orientation mériterait au moins d’être analysée au regard de la réalité du vécu des dix dernières années, et notamment la mise en œuvre de la loi Pons ou de la loi Perben.

Ainsi, le développement de l’équipement touristique dans certains DOM a montré ses limites : aujourd’hui le présent projet de loi nous invite à financer la réhabilitation d’un patrimoine hôtelier dont les propriétaires ont négligé l’entretien, alors même qu’il est également victime des vicissitudes de ’ captation ’ de la clientèle, notamment nord américaine.

Et le développement de l’emploi privé, que l’on souhaite notamment promouvoir dans les petites et moyennes entreprises qui constituent, et de loin, l’essentiel des entreprises Outre Mer, se fait alors même que l’ensemble des dispositifs de développement de l’emploi non marchand ( et nous pensons en particulier aux emplois jeunes ) est bradé, brisé, jetant des milliers et des milliers de personnes dans l’incertitude du lendemain.

Le projet de loi de programme est également victime des orientations de la politique gouvernementale de réduction de la dépense publique.

Malgré le retard des équipements, des dispositifs d’éducation et de formation notamment, qui nous dit que demain, comme les autres régions du pays, les départements et collectivités d’Outre Mer ne seront pas victimes de la logique d’austérité qui va prévaloir dans la politique de recrutement de la fonction publique ?

Nous estimons pour le moins qu’il conviendrait de ’ sanctuariser ’ les emplois publics et de procéder à une véritable analyse prospective des besoins réels.

Évidemment, les parlementaires du groupe CRC, comme l’a indiqué précédemment mon collègue Paul Vergès, sénateur et Président du Conseil Régional de la Réunion, estiment nécessaire une profonde amélioration du texte qui nous est soumis.

Ayant déposé en ce sens des amendements portant ces propositions, nous ne pourrions, à défaut d’une véritable réécriture du projet de loi de programme, que nous prononcer contre son adoption.

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