Une réforme qui n’améliore pas la situation

Une réforme qui n'améliore pas la situation - Garde à vue : explication de vote (Aloïs Moubax - https://www.pexels.com/fr-fr/@aloismoubax)

Monsieur le garde des sceaux, vous avez fait cette réforme sous la contrainte, au terme d’une longue période durant laquelle vos prédécesseurs et vous-même avez opposé une résistance maximale à la nécessité de mettre notre droit en conformité avec les exigences européennes, puis constitutionnelles. Les explications alambiquées que vous nous avez livrées tout au long de ce débat ont montré combien vous résistiez à votre propre projet de loi !

Le résultat est une réforme a minima, bien éloignée de ce que nous pouvions espérer. Pourtant, un jour ou l’autre, vous serez bien obligé de confier le contrôle de la garde à vue au juge des libertés et de la détention. Vous avez usé de multiples contorsions pour nous expliquer ce que nous savons déjà, à savoir que le procureur de la République était un magistrat. Tout cela est bel et bon pour les débats de salon ! Mais le problème n’est pas là...

Si le procureur de la République est contesté en tant que contrôleur de la garde à vue, c’est naturellement parce qu’il est à la fois soumis au pouvoir exécutif et partie prenante dans le déroulement de l’instruction. Aussi, les arguments que vous vous êtes efforcé de développer ne nous ont pas convaincus. (M. le garde des sceaux s’entretient avec M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur.) Monsieur le garde des sceaux, je vois que vous ne m’écoutez pas ; qu’importe, je continue…

Nous avons tenté de vous convaincre qu’il fallait limiter la garde à vue aux infractions punies au minimum de trois ans d’emprisonnement, mais vous n’avez absolument pas voulu en entendre parler. C’est pourtant le seul moyen de réduire le nombre de gardes à vue, car, aujourd’hui, l’emprisonnement est pratiquement devenu la loi commune, même pour le moindre petit délit !

La seule concession que vous ayez faite concerne la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue. Vous vous êtes toutefois empressé, lors de la présentation du projet de loi puis à l’occasion de chacune de vos interventions, de l’assortir de nombreuses dérogations et conditions. Vous avez même présenté un amendement tendant à réduire de deux à une heure le délai durant lequel les services de police doivent attendre l’avocat. Autrement dit, ce dernier aurait eu à peine le temps d’arriver. Vous avez ainsi montré que vous agissiez sous la contrainte, mais que vous étiez loin d’être convaincu du bien-fondé de la réforme, qui ne vous plaît pas.

Quant aux moyens, n’en parlons pas ! Ils sont insuffisants, alors même qu’il faudrait revoir les obligations pesant sur l’avocat et mettre fin à l’humiliation de la garde à vue en nous préoccupant notamment de l’état des locaux que certains d’entre nous connaissent bien pour les avoir visités. À défaut d’un effort important en ce sens, la réforme restera théorique. Si l’on ajoute qu’il n’est pas prévu de mentionner les conditions du déroulement de la garde à vue, on peut en conclure que tout cela restera lettre morte.

Monsieur le garde des sceaux, vous nous mettez dans un grand embarras ! Indéniablement, vous avez été contraint à accepter la présence de l’avocat. Nous reconnaissons cette avancée. Dans le même temps, le projet de loi ne nous satisfait pas du tout. Je suis mécontente, en particulier, qu’aucun de nos amendements n’ait été pris en compte, alors que certains d’entre eux étaient tout à fait acceptables, y compris de votre point de vue.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Nous en avons retenu deux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un seul amendement, et encore, cela ne mangeait pas de pain...

Quoi que vous en disiez, même les amendements tendant à sauvegarder le respect de la dignité des personnes ont été rejetés !

Nous allons donc nous abstenir – je ne sais s’il faut parler d’abstention négative –, car, si nous rejetions l’avancée que représente la présence de l’avocat lors de la garde à vue, une mesure attendue depuis si longtemps, nous risquerions de ne pas être compris.

Le texte nous reviendra en deuxième lecture, et nous verrons bien ce qu’il en sera. Je suis convaincue, pour ma part, que vous serez obligé de vous conformer de façon beaucoup plus précise aux préconisations européennes, ce que vous refusez pour l’instant. Vous vous justifiez en arguant que les procureurs français sont des magistrats. Ce raisonnement ne tient absolument pas !

Un seul petit pas sur la Lune a bouleversé l’humanité. Votre texte représente certes aussi un petit pas, mais, nous le vérifierons rapidement, il ne bouleversera pas le droit de la garde à vue. À ce stade, nous allons donc nous abstenir.

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